La complaisance d’une partie des médias en quête de radicalité, appuyée par de pseudo-chroniqueurs et influenceurs, avec leur attitude provocatrice et leur mépris pour l’autorité, en dit long sur la « dégénérescence mentale » de notre société. Ils tentent, tel que Diogène le cynique, de plonger notre société dans une espèce de normalisation de la haine, de la violence et de la délation.
Ils enfreignent, délibérément, les principes fondateurs de la démocratie, l’état de droit, l’application effective des conventions et traités relatifs au respect des droits humains, le respect de la constitution et des institutions de la République.
Au delà de la polémique politique et éthique que suscitent leurs propos qui, du reste, ne respectent aucune rigueur scientifique, encore moins l’utilisation d’un lexique juridique conforme, certains parmi eux ont parfois, si ce n’est pas le fruit de leur imagination, l’outrecuidance de banaliser le huit clos, en rendant publiques, in extenso, les « minutes des auditions » des personnes mises en cause devant le juge d’instruction, violant ainsi le secret de l’instruction.
Leurs comportements fragilisent, par conséquent, le droit à la liberté d’opinion et d’expression (Cf: Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Ils s’en servent, à suffisance, sans tenir compte de ses limites expresses, pour motifs de protection des droits de la personnalité (diffamation ou atteintes excessives à la vie privée d’autrui) ou de protection de documents confidentiels sur des affaires judiciaires en cours. Ce détour introductif, qui semble se démarquer de la méthodologie classique, n’est point une démarche iconoclaste mais un adjuvant systémique qui permet de contextualiser notre propos sur << l’incompatibilité de l’état de santé des détenus et leur maintien en milieu carcéral », pour mieux l’analyser sous le prisme de la procédure pénale en opposition aux offres illusoires de libération qui ne se fondent sur aucune réponse judiciaire ou pénitentiaire que des chroniqueurs non avertis, des influenceurs profanes et certains médias partisans essaient, subjectivement, d’entretenir.
Il est nécessaire, dès lors, de définir un cadre légal stricto sensu en activant toutes les diligences requises pour la création du Juge des libertés et de la détention dont l’ombre plane encore sur la mise en œuvre des réformes préconisées pour une bonne administration de la justice. Juge de la protection des libertés individuelles, en procédure pénale, il sera chargé, de statuer sur la mise en détention provisoire, les demandes de mise en liberté et éventuellement, de prendre des décisions concernant les cas d’incompatibilité de l’état de santé des détenus et leur maintien en détention. En attendant la création du juge des libertés et de la détention, il est impérieux de maintenir les réponses pénitentiaires en matière de prise en charge médicale des détenus malades au niveau du Pavillon spécial, structure spécialisée qui permet d’assurer une prise en charge médicale adaptée aux détenus malades, tout en maintenant un niveau de sécurité appropriée.
Les détenus malades peuvent bénéficier de tous les soins nécessaires, en ayant accès à l’ensemble du plateau technique de l’hôpital Le Dantec où il est implanté. Cependant, il apparait clairement que les partisans, voire certains conseils, des détenus requérants semblent privilégier une libération, quelle qu’en soit la nature, en se fondant uniquement sur l’expertise médicale, alors que celle-ci n’est qu’une simple étape de la procédure. La clôture des dossiers de détenus dont l’état de santé est jugé incompatible à leur maintien en détention indique clairement que l’expert médical ne peut pas suppléer le juge qui le commet. Bien qu’il apporte ses connaissances techniques pour éclairer le juge sur certaines questions médicales, il ne peut pas prendre de décision à sa place.
Le juge n’est pas non plus lié par l’avis de l’expert médical. La rigueur et la précision que requiert l’expertise médicale commandent au juge d’une part, de veiller à commettre un expert médical ayant << une bonne connaissance du milieu carcéral >>> (combien sont-ils les experts médicaux dont le profil correspond au critère d’éligibilité susvisé?) et d’autre part, de lui demander, à titre préjudiciel, si le pronostic vital du détenu est engagé. L’examen de sa réponse permet au juge de prendre la décision de libération ou de suspension de peine, en fonction de l’engagement du pronostic vital du détenu. Le détenu malade dont le pronostic vital n’est pas engagé peut être transféré au Pavillon spécial pour des soins spécialisés, en qualité et en continuité. Nous avons, tous, la certitude que la vie en milieu carcéral est dure, avec son opacité, ses longues nuits de solitude, de souffrance et d’anxiété, au point d’en déduire que << la liberté n’a pas de prix ». Cet axiome ne nous rappelle-t-il pas aussi, avec insistance, un autre axiome, plus impératif, qui indique que « Nul n’est au dessus de la loi ».
En définitive, il apparait clairement, à la lumière des règles de procédure pénale, que La réponse pour la libération ou la suspension de peine des détenus malades dont le pronostic vital est engagé ne peut être que juridictionnelle. Donc, accordons au juge une présomption d’indépendance et d’éthique professionnelle qui lui permet de prendre la décision adaptée aux détenus dont l’état de santé est jugé incompatible avec leur maintien en détention.
Cheikh Sadibou Doucouré, Spécialiste de droits de l’homme et des questions pénitentiaires, Chevalier de l’Ordre National du Lion
Très belle analyse ! Cependant, au Sénégal on ne pense à la santé de quelqu’un que quand il est prison et si il est considéré comme VIP. Et les autres petits voleurs, bagarreurs, agresseurs… on ne parle pas de leur santé et pourtant…!