Abreuver d’injures à un garçonnet ou à une fillette est le sport favori de certains adultes sénégalais. Paradoxalement, ce sont eux qui interdisent les injures aux enfants. Cela montre à quel point on s’accommode à l’hypocrisie notoire qui commence au bout de nos orteils. Un comportement pathologique qui cadre avec une schizophrénie ou un refus délibéré de faire face à la réalité des faits. J’insulte donc je suis ou bien j’insulte, je suis suivi… l’homosenegalensis est-il « insultivore »?
Si on jette un regard curieux sur certains groupes sociaux, l’injure est une tasse de thé que se partagent enfants et adultes sans gêne. Dans leurs interactions, l’insolence et la salace accordent le sujet ou le verbe. Rares sont les enfants qui, à bas âge n’ont pas pris part à des « concours d’insultes » où l’on montrait son esprit inventif en manipulant et en maniant les insultes les plus poignantes. Ces enfants familiarisés aux propos discourtois proférés par les adultes dans l’institution familiale, seront demain, les adultes qui crachent du venin dans la place publique.
Comment comprendre qu’un direct ponctué d’injures les plus lubriques draine du monde sur les réseaux sociaux ? L’acceptabilité sociale des invectives et de l’insolence en est l’un des éléments explicatifs. En outre, les ragots qu’il profère et les célébrités qu’il brise constituent des denrées prisées par une grande partie des sénégalais. Cela explique aussi le succès des émissions qui traitent la vie privée des autres (Teuss, Khalass…)
Insulter pour vous faire connaitre!
Pour avoir le vent en poupe au pays de Kocc, il n’est point utile de remuer ciel et terre pour apporter une plus-value à l’amélioration des conditions de vie des Sénégalais, insulter à tout bout de champ, vous allez faire des émules, mieux vous allez vous faire un nom. Le célèbre comédien Sa Neex ne nous démentira pas.
A ses débuts, le comédien de Thiès a essuyé les foudres des observateurs du théâtre sénégalais notamment la première école. Sa Néex s’est fait remarquer par un langage cru qui heurtait souvent les téléspectateurs. Il ne cessait de rétorquer qu’il parlait du pur wolof, ce qui est discutable. Avec le temps, il gagne en popularité et abandonne ce registre controversé.
Wadiou Baax et Pa nice lui ont emboîté le pas. Ces artistes comédiens ont quitté les ténèbres de l’anonymat grâce aux insultes qu’ils proféraient dans leur émission très suivie diffusée sur le net. A travers ce tremplin, ils sont propulsés au devant de la scène et intègrent une télé privée…
Par conséquent, si notre société rejetait catégoriquement les infamies, Assane Diouf n’aurait pas mille spectateurs. A cet effet, il nous faut un examen de conscience collectif pour mieux appréhender ces faits anomiques en commençant par assainir l’environnement familial pour que les enfants ne soient pas allaités ou « cajolés » par la violence verbale.
Par Moustapha Mbaye