Adresse à la nation – L’heure du bilan sonne… Par El Hadji Mamadou Diongue*

Mes chers compatriotes

Avant d’entamer ce discours je tenais à faire une petite précision
Cette adresse sera brève
Comprenez alors qu’il n’y ait à votre égard pas de salutations
De souhaits aux malades et aux disparus, de vœux de paix ou de sa consolidation
D’expression de gratitude à nos concitoyens de la diaspora et leur contribution
D’encouragements à nos forces de l’ordre et de sécurité dans leurs opérations
Et même nos lions n’auront aujourd’hui pas droit à de chaleureuses félicitations

Mes chers compatriotes

Me voici au terme de mon mandat
Celui d’un président que vous avez démocratiquement élu
Les choses sont allées trop vite c’est vrai, mais – nul besoin de consulter vos agendas
Pour être au fait que servir exclusivement vos intérêts était le marché conclu
Je vous avais présenté un projet de société en bonne et due forme, un projet on ne peut plus réalisable
Vous sembliez y avoir entièrement adhéré par votre inlassable concours
Aujourd’hui je vous entends rouspéter que par l’alternance vous ne vouliez que vous débarrasser du diable
Je doute fort dans ces conditions d’avoir pu être d’un certain secours

Que vous pouvez être ingrats !

Je n’allais pas les citer mais que dites-vous des performances que mes gouvernements successifs ont accomplies ?
Si 40% de taux de croissance ne vous dit rien, allez fouiller les indicateurs économiques de nos voisins
Une gouvernance transparente, vous en rêviez tant ! Eh bien, elle n’est plus une cause que la corruption assombrit
Vous osez pourtant vous gausser des progrès constants et satisfaisants enregistrés en matière de santé à dessein
Je vous exhorte à la retenue ! Allez-vous faire soigner parce qu‘ici je ne décèle de pathologie que sur la santé de l’opinion publique
5 million 700 mille emplois créés en 5 années tous secteurs confondus, 6000 milliards de nos francs dédiés à l’auto emploi des jeunes et des femmes, c’est plus que symbolique
Vous mentionnez encore le manque d’espoir chez nos jeunes qui n’hésitent toujours pas à prendre le radeau pour un soi-disant eldorado
Ces jeunes, je vais vous dire, sont peu créatifs, pas entrepreneurs, et tout simplement obnubilés par le gain facile ! Rappelez leur qu’ici ou ailleurs la vie ne fait pas de cadeau
D’ailleurs ! D’ailleurs si vous songiez tant à leur promotion vous ne revendiqueriez pas la retraite à 75 ans
C’est aberrant !

Mais que vous pouvez être alors ingrats !

J’ai fait de la lutte contre les inégalités sociales une de mes priorités
Combien de programmes d’aide sociale ai-je initiés afin de nous débarrasser de la précarité ?
Vous semblez faire fi des 14 millions de bénéficiaires du projet d’assistance à la stabilité financière familiale
Alors que vous êtes pertinemment conscients que l’allocation mensuelle de 500 mille francs distribuée à ces pauvres familles leur est cruciale
Et puis j’entends partout dire que notre école souffre, que le système éducatif connait des tracas à tous les échelons
Excusez mon langage mais je trouve quand même culotté de dénigrer les efforts considérables de mes ministères de l’enseignement supérieur et de l’éducation
Chose jamais faite, nous avons, après seulement deux années de règne, quadruplé le salaire des enseignants de tous les niveaux
Consenti d’importants sacrifices à l’endroit des étudiants dont la bourse est maintenant passé à 350.000 francs par mois, admettez que ça c’est du nouveau
Les abris provisoires ? Ça vous parle ? Si vous avez déjà oublié c’est justement parce que ce cas n’est plus à l’ordre du jour
La réhabilitation des bâtiments scolaires existants, l’érection de 800 collèges et lycées, 1750 écoles primaires, 78 Daaras modernes et 355 universités de formation professionnelle
Tous équipés et pourvus d’enseignants de qualité et vous vous avisez encore de crier au secours
Arrêtez ce cirque ! Notre école se porte à merveille… C’est ça la réalité et cela n’a rien de personnel

Merci pour votre ingratitude ! Peuple désorganisé à volontés malencontreuses et tendancieuses
Avant d’occuper ce poste, je ne pensais pas que j’aurai affaire à une nation de mémoire oublieuse
J’avais cru qu’en vous dispensant d’aller chercher ailleurs le riz, cette denrée que vous aimez tous tant
Qu’en atteignant l’autosuffisance, réduisant le prix du kilo au quart, tout changerait radicalement, tout serait différent
Je croyais dur comme fer qu’en renforçant notre sécurité nationale par l’installation de nouveaux commissariats De brigades de gendarmerie, de casernes de sapeurs-pompiers, la phobie n’aurait plus sa raison d’advenir

Je suis resté convaincu à tort que l’exploitation de notre potentiel en ressources pétrolières et gazières, par la signature de partenariats
Avec des experts en la matière venus d’ailleurs, serait bénéfique pour les générations actuelles et à venir
Je pensais avoir assez fait par la construction d’hôpitaux un peu partout, l’accès aux soins gratuits en milieu rural
J’ai tenu à ce que l’énergie solaire et l’eau courante deviennent gratuites et accessibles à tous à l’échelle nationale
Nonobstant la réalisation d’infrastructures de grande envergure

Ces routes, ces ponts, ces aéroports et ports,… Ah ! Vous pensiez que l’œuvre fut une sinécure ?

J’ai appelé au dialogue l’opposition, la société civile et diverses autres personnalités à moult reprises pour qu’ensemble nous trouvions des solutions
Lesquelles seraient consensuelles, efficaces et durables face à nos défis politiques et socio-économiques inexistants. Une vraie révolution non !
Ma vocation d’éradiquer la corruption et l’enrichissement illicite m’a poussé à renforcer notre appareil judiciaire, la procédure a porté ses fruits
J’ai réduit notre dette extérieure, j’allais dire épongé, noué des partenariats multilatéraux solides et pérennes. Eh bien ça suffit !
Que n’ai-je pas fait ? Dites-le-moi ! Que n’ai-je pas fait pour que cette nation connaisse enfin le développement sous toutes ses formes
Mais voilà ce qu’est devenue cette nation que nous avons héritée de nos ancêtres : Une balourdise énorme !

Mes chers compatriotes

Naguère vous sombriez dans une indiscipline notoire, une ignorance crasse, un manque démesuré de patriotisme, de savoir-vivre, de savoir-être, j’en passe
Aujourd’hui ce pays est devenu propre, beau, vert, abonde d’ingénieurs dans tous les corps de métiers, d’experts dans tous les domaines, d’artistes de renommée internationale, d’intellectuels polyglottes, …

Et même les agriculteurs connaissent chaque année des pluies à verse. Vous me devez au moins cette grâce !
Mais il a fallu que des piètres prétendants à mon siège se pointent à l’horizon
Usant de mes supposées contre-performances pour que vous leur donniez tout de suite raison
Le saviez-vous ? Les révoltes qu’ils fomentent et vous vendent, vous les paierez à vos dépens
Ils ne s’y attellent que pour leurs intérêts personnels et vous précipiteront dans un guet-apens
Pour un second mandat ? Je ne l’envisage même plus, ça c’était avant, puisque je démissionne
Avec vous c’est impossible, je considère qu’il n’y a pas moyen de changer la donne. J’abandonne !
Mais avant de partir je mets en garde le prochain qui mourra à la lourde tâche d’essayer de vous servir
Cher président ! Vous êtes à la tête de cette nation pour le meilleur… et le meilleur ! Vous ne pourrez malheureusement pas éviter le pire
Ils sont intraitables, traquent l’insaisissable, clament des désirs ineffables et interminables
Leurs requêtes sont intenables, irréalisables, pas satisfaisables et abominables…,
Somme toute, vous dirigez une nation digne d’une fable de la Fontaine.

Merci de purger dignement votre peine !

Même_dans_le_meilleur_des_mondes

* Chroniqueur
Poète-Slameur