Au Burundi, la commémoration des massacres de 1972 se fait dans la polémique

L’Histoire post-coloniale du Burundi – le pays traverse une nouvelle crise politique depuis deux ans – est émaillée de nombreux massacres interethniques entre la majorité hutu (84% de la population) et la minorité tutsi (environ 14%), longtemps au pouvoir. Cependant, l’une des pages les plus sombres de cette histoire tumultueuse a été écrite à partir du 29 avril 1972. Une ONG de droit canadien et prénommée « Collectif des survivants et victimes du génocide contre les Hutus du Burundi de 1972 » a entamé, à Bujumbura, depuis le vendredi 28 avril, des commémorations qui vont durer trois jours. L’opposition et la société civile, en exil, dénoncent une « instrumentalisation » de ces événements.

Une marche silencieuse a rassemblé, vendredi, quelque 200 personnes dans les rues de Bujumbura. Ce samedi 29 avril, c’est une messe en mémoire des victimes hutu qui a eu lieu et qui a été suivie de témoignages de survivants. Dimanche, ce sera la pose de la pierre d’un monument en souvenir de ces victimes.

Les Burundais appellent pudiquement ces massacres « Ikiza », en kirundi (langue nationale), « La grande catastrophe », en français.

Il y a quarante-cinq ans, jour pour jour, une attaque de rebelles hutus fait des milliers de victimes tutsis dans le sud du pays. Des hommes, des femmes et des enfants sont sauvagement massacrés à la machette.

La réaction du gouvernement de l’époque, dirigé par le président Michel Micombero, d’origine tutsi, est terrible. Toute l’élite hutu du Burundi est pratiquement éliminée – ministres, fonctionnaires, militaires, commerçants – allant jusqu’aux simples collégiens. Ceux qui ne parviennent pas à fuir en exil sont systématiquement arrêtés et exécutés, puis enterrés dans des fosses communes.

Il y aura, selon les sources, de 100 000 à plus de 300 000 victimes. Les survivants n’auront pas le droit de pleurer les leurs, qualifiés de « traîtres ».

Création de la Commission vérité et réconciliation

Les deux principales ethnies ne sont jamais parvenues à se mettre d’accord sur la responsabilité des uns et des autres. Aussi, l’accord de paix d’Arusha, en 2000, a prévu une Commission vérité et réconciliation chargée de faire la lumière sur tous les crimes commis dans ce pays depuis son indépendance.

Malgré cela, depuis vendredi, le « Collectif des survivants et victimes » de ces terribles massacres organise trois jours de commémorations au Burundi et demande au Parlement, selon un de ses responsables, François-Xavier Nsabimana, de reconnaître officiellement « le génocide des Hutus du Burundi de 72 » et de faire de cette date une Journée du souvenir.

Pacifique Nininahazwe, l’une des figures de la société civile, en exil, dénonce une instrumentalisation d’une « douleur légitime » par un pouvoir englué dans une grave crise politique, alors qu’il « est en train de commettre les mêmes crimes », ce que nie le gouvernement burundais.

De leur côté, l’opposition et la société civile en exil ont organisé, ce samedi, à travers le monde – notamment Paris, Bruxelles, Ottawa ou encore Kigali – des manifestations et des messes en mémoire des plus de 2.000 victimes et des centaines de personnes portées disparues, depuis le début de la crise née de la décision du président Pierre Nkurunziza de se représenter pour un troisième mandat qu’il a obtenu, depuis.

Avec Rfi

COMMENTAIRES
    Publiez un commentaire