Zéro investissement, 6 milliards de bénéfice net par an », Par Madiambal Diagne

On ne compte pas le nombre de fois que des gouvernements sénégalais ont annoncé la décision de retirer les enfants de la rue. A chaque fois, des brigades de policiers sont envoyées pour procéder au ramassage de quelques dizaines d’entre eux. L’effet d’annonce passé, les enfants sont relâchés et ils repeuplent les rues de Dakar et des grandes villes du Sénégal. Cette présence massive d’enfants de tous âges, déguenillés et crasseux, choque dans les rues de Dakar. Ils sont visibles partout et comptés à plus de 30 mille à Dakar. Personne ne peut dire en ignorer. Ces enfants sont l’objet d’une sordide exploitation ou traite de personnes. Ils sont exploités par des adultes qui les envoient chercher de l’argent, de la nourriture et autres provisions. Les moyens par lesquels ces enfants rentrent avec la dime réclamée importent peu pour les adultes souteneurs.

Une véritable économie est développée autour de l’exploitation de ces enfants. Si chacun d’entre eux rapporte une moyenne de 500 francs Cfa par jour (estimation basse), le chiffre d’affaires annuel représenterait plus de 5 milliards de francs Cfa et constituant un bénéfice à 100%, car ne supportant aucune charge d’exploitation ou de taxes quelconques. Les souteneurs ne paient ni l’habillement ni la couchette, ni l’alimentation encore moins les soins de santé pour les enfants sous leur coupe.

De nombreux griefs ont été émis par les organisations de protection des droits de l’enfance et militantes des droits humains. La situation des jeunes dans les rues du Sénégal a été décriée par bien de monde. Elle a fait l’objet de reportages, d’enquêtes et de documentaires présentées un peu partout dans le monde et qui ont eu parfois l’effet de courroucer les autorités sénégalaises. Combien de jeunes ont été tués par des maîtres coraniques sans que lumière ne soit faite sur les causes de décès ? Combien de cas d’agressions sexuelles dont sont victimes les jeunes talibés sont faits état dans la presse quotidienne ? Combien de fois des auteurs de crimes ignobles à l’égard des jeunes talibés ont été purement et simplement relaxés ? Combien de corps d’enfants mutilés avec de sordides cas d’ablation d’organes ont été trouvés dans des dépotoirs d’ordures ?

Il est inconcevable qu’un pays comme le Sénégal, signataire de nombreux accords et conventions pour la protection de l’enfant et la promotion de ses droits dont ceux à l’éducation, ait toujours manifesté peu de volonté dans la gestion du problème des talibés. La situation des talibés n’a que trop duré pour finir par devenir un stigmate de nos villes. Cette jeunesse laissée à quémander et mendier dans les rues de nos villes pour le compte de maîtres sans foi ni loi constitue déjà une tache noire pour l’image du Sénégal, mais risque également de constituer un boulet pour le développement futur. Ces jeunes qui seront appelés à prendre en charge les destinées du pays ne sont préparés à aucune activité productive. La formation académique et citoyenne fait défaut. Au plan pratique, ces jeunes bénéficient de peu voire d’aucune opportunité de s’initier à des métiers leur permettant de gagner leur pain et de contribuer convenablement à la marche de leur société. Le temps est venu de corriger une des tares de la société sénégalaise, dont nous sommes tous complices.

Ce processus de retrait des talibés des rues que le gouvernement vient d’annoncer une fois de plus doit être appuyé aussi bien par les pouvoirs étatiques, les autorités coutumières et religieuses que les populations. C’est une dynamique qui doit être embrassée par tous afin de mettre un terme à une injustice dont une partie non négligeable de la jeunesse sénégalaise est victime. Un accompagnement conséquent et des mécanismes adéquats de réinsertion sont à offrir à ces jeunes. De même, un suivi rigoureux des établissements d’enseignements religieux doit dorénavant s’opérer pour éviter des abus qui n’ont que trop duré.

Seulement, il faudrait beaucoup de courage aux autorités politiques pour réussir le pari. On voit déjà des groupes sociaux et religieux, des associations de maîtres coraniques par exemple, s’insurger contre de telles opérations. Une levée de boucliers va s’opérer, comme toujours avec des arguments qui ne devraient plus susciter la crainte. Les autorités politiques qui manifestaient le culot de chercher à retirer les enfants de la rue avaient toujours été taxées d’être des adeptes de loges ou autres officines qui travailleraient à saper les bases religieuses et traditionnelles de notre société. Mais quelle est cette religion qui asservit les enfants et les oblige à se déshumaniser ? On ne peut pas nous convaincre que le supplice auquel sont livrés les enfants dans certaines «daaras» ou ce qui tient lieu de lieux de formation et d‘éducation religieuses procède d’une pratique acceptable de la religion.

La présence des talibés dans les rues de Dakar constitue l’une des faces les plus hideuses de la capitale sénégalaise. Le visiteur est frappé par ce spectacle. On se rappelle l’interpellation publique que Mme Michaëlle Jean, alors Gouverneure générale du Canada, en visite au Sénégal, avait faite à l’endroit du Président Abdoulaye Wade sur le sort des enfants des rues à Dakar. Le chef de l’Etat du Sénégal était assez gêné par cette situation et s’était engagé à les retirer illico presto. Il s’y essayera, mais finira par jeter l’éponge. Avant lui, le Président Abdou Diouf avait tenté des actions et ses initiatives avaient inspiré le roman La Grève des battù de Aminata Sow Fall. Rien n’y fit, les milieux maraboutiques, chauffés à blanc par des associations prétendument défenderesses de l’islam, avaient eu raison de la détermination du gouvernement. Dès son arrivée au pouvoir, le Président Macky Sall avait engagé son premier gouvernement, dirigé par Abdoul Mbaye, à juguler le fléau. Il avait été d’autant plus motivé qu’un effroyable incendie au quartier de la Médina avait causé la mort de quelque neuf talibés, carbonisés dans des conditions révoltantes.

La question de la situation des enfants doit être un véritable sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics, d’autant plus que tous les pays de la sous-région prennent des mesures hardies pour lutter contre le phénomène. La Gambie refuse de baisser les bras et a réussi à éradiquer la présence des enfants dans les rues de Banjul. La Côte d’Ivoire a, elle, aussi pris d’importantes mesures, notamment l’imposition de l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Le Sénégal qui ne ferait rien dans ce sens risque de continuer à être le dépotoir des enfants victimes de trafic de personnes dans la sous-région. Il y a lieu de rappeler que le rapport Gafi du Giaba, publié en octobre 2013, relevait que le terrorisme islamiste en Afrique de l’Ouest est financé en partie par les subsides tirés de la mendicité.

Il ne faut pas occulter le fait que la présence des enfants dans la rue constitue une survivance de nos pratiques culturelles d’un autre âge. Les pratiques mystiques dans notre pays entretiennent le système de la présence des enfants dans les rues qui reçoivent les offrandes prescrites par tel ou tel féticheur. On n’interdit à personne d’aller prendre des prescriptions auprès de son féticheur. Toutefois, ne conviendrait-il pas de mieux organiser cette pratique d’offrande pour que toute personne ayant intérêt à distribuer des offrandes à de pauvres mômes puisse se rendre à un lieu précis où les enfants seront dans des conditions décentes et ne seront pas livrés à eux-mêmes et constituer ainsi des proies faciles pour des prédateurs de divers acabits ? Le sujet n’est assurément pas drôle.

1 COMMENTAIRE
  • Moussaka

    Tu nes pas serieux !!! Comment. lier les enfants de la rue au supplice quils subiraient dans les daaras 2 Problemes diametralements opposes K ta malhonnetete intellectuelle cherche a lier Cest dommage.

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