Une diplomatie en panne d’inspiration, Par Mamadou Bamba NDIAYE*

Depuis la participation du chef de l’Etat à la fameuse marche de Charlie Hebdo à Paris en janvier 2015,  les erreurs ou errements diplomatiques ne cessent de se répéter au sein de la diplomatie sénégalaise, pourtant réputée jadis, «pour sa modération, son efficacité et son indépendance ».

Depuis quelques temps, nous remarquons des dérives qui fragilisent cette diplomatie et annihilent les performances enregistrées dans ce domaine. La signature d’accords de défense avec les Etats-Unis, l’accueil sur notre sol d’anciens terroristes sortis de Guantanamo, la décision d’envoi de soldats sénégalais au Yémen et le rappel de notre ambassadeur à Doha(Qatar), suite à la crise entre l’Arabie Saoudite et Cie, d’une part, et  le Qatar, d’autre part, sont autant de décisions contestables et contestées qui ne cadrent pas avec notre ligne diplomatique traditionnelle.

Elles laissent transparaître un tâtonnement en matière de choix diplomatiques et une mollesse coupable face aux pressions venues de l’extérieur », comme nous l’écrivions en juin 2017. La crise des écoles Yavuz Selim est venue mettre à nu le manque d’anticipation qui caractérise notre diplomatie depuis mars 2012.

C’est depuis le 26 juillet 2016 que j’avais publié une contribution sous titre « La politique étrangère du Sénégal à l’épreuve de la crise turque ! ». J’invitais l’Etat  du Sénégal à anticiper sur la crise en prenant une position lucide, libre et souveraine face à la crise turque, déclenchée par le coup d’Etat avorté du 16 juillet 2015. Je précisais alors, que Fettullah Gülen, indexé par les autorités turques comme étant l’instigateur du coup d’Etat manqué serait, à la fois, le parrain-tuteur du groupe d’écoles Yavuz Selim ainsi qu’un réseau d’Ong évoluant au Sénégal.

Sans tenir compte de mes alertes, l’Etat du Sénégal a laissé la situation pourrir au point où, l’Etat turc a dépêché une délégation de haut niveau à Dakar, pour négocier la fermeture et le transfert des écoles Yavuz Selim de BAŞKENT EĞITIM-SA à la fondation turque « Maarif ». C’était sans compter avec les enjeux que représentait l’administration de ce réseau de groupes scolaires.

De prétendus investisseurs français se mêlent dans l’affaire, pour mieux brouiller les pistes, face à une diplomatie hésitante et tatillonne. Aujourd’hui, nul ne sait plus, à qui appartient vraiment ce groupe scolaire d’excellence qui enseignait, entre autres, la langue turque à nos enfants. Le malheur est que les Sénégalais semblent croire que sans les Turcs de Gülen, point d’enseignement de qualité au Sénégal ! Or, l’éducation de nos enfants est un domaine stratégique et sensible, qui ne devrait être laissé entre les mains d’étrangers, quelle que soit leur origine.

Concernant la crise du Golfe, nous avions également dénoncé, depuis juin 2017, la précipitation avec laquelle, notre pays s’était rangé derrière certaines monarchies du Golfe, en rappelant notre ambassadeur à Doha. C’est heureux, que le Sénégal eût reculé, après quelques mois de flottement, en décidant de revenir sur sa première décision.

Nous avons suivi, récemment les passes d’armes, par presse interposée, entre notre tout nouveau ministre des Affaires étrangères et son homologue qatari.

Depuis deux jours, la presse nationale fait état de frictions diplomatiques probables entre Dakar et Nouakchott, suite à une conférence de presse, tenue dans notre capitale par des Organisations humanitaires des droits de l’homme sur l’esclavage en Mauritanie. Là aussi, le Sénégal peine à trouver ses marques, face à un voisin qui viole allègrement les principes les plus élémentaires des droits de l’homme.

Lors de la crise des Rohingyas, il a fallu que les Sénégalais lambda, battent le macadam et indiquent la voie pour qu’enfin, le chef de l’Etat, depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, dénonce les pratiques génocidaires du régime militaro-bouddhiste de Birmanie.

Tout ceci indique, que le seul départ de M. Mankeur Ndiaye de la tête du Ministère des Affaires étrangères, ne saurait suffire pour impulser une diplomatie en panne réelle d’inspiration et d’orientation stratégique ! 

*Ancien Ministre des Affaires religieuses

Militant du Grand Parti

– Email :    ndiabamba1949@gmail.com

1 COMMENTAIRE
  • Taphy

    Gouverner c’est prévoir, malheureusement notre gouvernement n’a rien prévu. J’aime beaucoup cette contribution.

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