Un restaurant où le garçon est un voleur

Le style est sobre et le slogan est simple: “Mangez avec nous”. Au restaurant Pollsmoor, situé dans la prison de haute sécurité sud-africaine où Nelson Mandela a été emprisonné, les serveurs sont des détenus, comme l’essentiel du personnel en cuisine.

Il ne s’agit pas d’une attraction touristique comme la prison de Robben Island, située au large du Cap, où le futur prix Nobel de la paix et président sud-africain a passé l’essentiel de ses 27 ans en détention. Mais simplement d’un restaurant, dans l’une des prisons les plus dures du pays.

Pollsmoor, situé à Constantia Valley, une banlieue chic du Cap, doit sa réputation à Mandela, qui y a été détenu de 1982 à 1988, mais aussi à l’extrême violence des gangs qui y opèrent dans des cellules surpeuplées.

Quelques gardiens de forte corpulence en uniforme marron montent la garde, tandis qu’un couple déjeune.

“Le service est de bonne qualité, la nourriture est correcte et très abordable”, explique un client, Arnold Daniels. Cet homme d’affaires de 57 ans et son épouse viennent régulièrement déjeuner au Pollsmoor Restaurant.

“Ça ne nous dérange pas” de manger à proximité de détenus. “Ce n’est pas vraiment étrange. C’est très sûr ici. On ne se sent pas menacés”, affirme-t-il.

Le décor du restaurant, qui peut accueillir une trentaine de couverts, est spartiate: carrelage, murs dénudés, chaises en métal avec assise rouge, sets de table décorés de masques africains. Des rideaux rouge et marron à pois dorés cachent partiellement les barreaux derrière les fenêtres.

Au plafond, des ventilateurs tournent de façon léthargique, tandis que Cyndi Lauper chante “Girls just want to have fun”.

Un serveur, qui porte son pantalon orange de prison sous son tablier blanc, accueille chaleureusement des clients, avant de recommander le steak.

Le menu est complet: tête de boeuf, escalope de veau panée, boeuf façon cordon bleu, tripes… Le plateau de fruits de mer à 60 rands (3,50 euros) est le plat le plus cher.

– Tablier et uniforme de prisonnier –

Le serveur apporte un “fish and chips” à la présentation digne d’un candidat à une émission télévisée culinaire: des herbes et de la sauce décorent soigneusement l’assiette.

Il a été condamné à quatre ans de prison pour vol à l’étalage. Il lui reste sept mois à purger et espère trouver un emploi dans la restauration ou l’hôtellerie une fois libéré. La prison lui servira de référence, espère-t-il.

L’un des cuisiniers, aussi en uniforme orange, prend une pause cigarette dans une cour fermée, le long du restaurant. Il a écopé de cinq ans de prison pour vol de voiture, mais affirme ne pas avoir commis de délit et avoir simplement acheté le véhicule auprès du cambrioleur.

Travailler au restaurant est “l’un des meilleurs boulots que l’on puisse faire en prison”, affirme-t-il. Quand on lui demande de parler des conditions de détention, il répond simplement: “C’est la prison”.

Pollsmoor est surpeuplé, avec quelque 8.500 détenus pour une capacité de 4.300. Les prisonniers y vivent dans des conditions “inhumaines et honteuses”, selon un rapport l’an dernier d’un juge de la Cour constitutionnelle, Edwin Cameron.

La tuberculose, maladie très contagieuse, y est monnaie courante. Nelson Mandela l’avait déjà contractée ici dans les années 80. Et au moins un détenu est mort l’an dernier de leptospirose, transmise par les rats.

Le restaurant ferme à 14 heures. Les clients regagnent leur voiture, les prisonniers leurs cellules, où ils restent jusqu’au service, en salle, du petit-déjeuner.

De l’autre côté de la route, se dresse le splendide domaine vinicole de Steenberg et son golf. Au restaurant Catherina, très réputé, des touristes, essentiellement européens et américains, se délectent sur une terrasse ombragée.

Le menu propose du poisson “durable”, destiné à satisfaire une clientèle soucieuse d’environnement. Le poisson s’avère être du colin, proposé aussi dans la prison d’en face, mais quatre fois moins cher.

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