Ramadan – Canicule: dur, dur d’habiter les régions!

Contrairement à la presqu’Ile du Cap-Vert où le climat est encore plus ou moins clément avec des températures acceptables, l’intérieur du pays vit une forte canicule. En cette période de mois béni du Ramadan, les musulmans qui observent le cinquième pilier de l’Islam sont obligés de faire avec ce temps hostile.  Du centre du pays, notamment à Diourbel, aux régions frontalières (Matam, Ziguinchor et Sédhiou), le constat est partout le même: difficile de pratiquer le jeûne, a exploité Senego dans un dossier de Sud Quotidien.

Toutefois, entre spiritualité, rigueur du temps défavorable, le sacrifice des musulmans pratiquants, dans ces régions, est énorme en cette période de Ramadan où la canicule assèche les gorges des jeûneurs, mais sans toutefois les décourager parce qu’acquis à la cause divine. Là, durant la journée de jeûne, la quête de la fraîcheur reste au devant des préoccupations de tous les jeûneurs. Entre se recouvrir de pagne mouillé, la ruée vers les fleuves (Sénégal et Casamance) ou occuper les ombres des grands arbres, chacun y va de sa stratégie pour dompter la chaleur, avant la rupture du jeûne.

Matam et le Fouta: Le sacrifice des musulmans pratiquants

Les musulmans pratiquants du Fouta, qui suivent le Ramadan, doivent composer avec le temps particulièrement chaud qui sévit durant cette période d’abstinence où jeûner relève d’un sacrifice significatif.

La particularité, cette année, est que le mois de Ramadan intervient en pleine période de chaleur. Avec une température qui effleure très tôt le matin une trentaine de degrés et qu’au fil des heures l’atmosphère devient suffocante, lorsque justement la canicule vacille en cours de journée entre 41 et 44 degrés. Au Fouta, comme dans la plupart des localités sahéliennes, en cette période où le ciel a décidé de ne pas se montrer clément, avec une période de longues journées frappées par de fortes chaleurs, le jeûne se fait avec d’énormes difficultés.

«Pendant cette période d’abstinence, durant laquelle on ne peut ni boire ni manger, de l’aube jusqu’au coucher du soleil, les journées sont très longues et la chaleur est exceptionnelle. Cette année, le Ramadan est particulièrement éprouvant», note Alhousseynou. «Le soleil est difficile à supporter. J’ai, tout le temps, mal au crâne. La faim ne me fatigue pas, c’est surtout la soif qui me tenaille», confirme Sadekh, un maître-maçon qui conduit les travaux de construction d’un appartement de six chambres. Face à un cahier de charge qu’il a revu un peu à la baisse, le chef de chantier, promulgue à ses ouvriers, un certain code de conduite à respecter. Comme, par exemple, le fait de ne pas s’exposer longtemps sous le soleil et de ne pas durer sur l’échafaudage.

Cependant, bon nombre de travailleurs physiques n’observe aucune réduction au niveau de leur temps de travail. Il s’agit des tailleurs qui ont vu, face aux échéances des fêtes, une augmentation de leurs activités. A ce lot, s’ajoutent les boulangers qui enchaînent perpétuellement les fournées au niveau des boulangeries où la température dépasse de loin les 60 degrés. «Le tout repose sur l’esprit. Le jeûne durant le mois de Ramadan est un des cinq piliers de l’Islam. Jeûner, c’est un acte de foi, on essaie de s’économiser au maximum», déclare Assane, un boulanger. Avant d’annoncer que certains boulangers tiennent difficilement le coup parce que sujets à de fortes migraines qui entraînent la plupart du temps des évanouissements.

La ruée vers le fleuve

Face à la chaleur éprouvante, la quête de la fraîcheur reste au devant des préoccupations de tous les jeûneurs. Chacun y va de sa stratégie pour se rafraîchir. Avant la rupture, Aminata se verse plusieurs fois de l’eau sur le visage avant de s’en asperger aussi sur le corps. Tout comme Fatimata qui ne compte plus les douches qu’elle prend durant la journée. «A côté du ventilateur, je me recouvre de mon pagne mouillé, que je plonge dans l’eau à chaque fois qu’il s’assèche. Cela me permet de résister jusqu’au moment de la coupure, sinon j’ai des vertiges», explique Mariata. Pour les habitants de la vallée, le fleuve Sénégal reste, à tout point de vue, une bouffée d’oxygène face à la forte canicule.
En cette période de chaleur, les rives du fleuve ne désemplissent pas jusque tard dans la nuit. Les plages sablonneuses et les petits gués communément appelés «thibé» reçoivent plusieurs groupes d’individus composés des habitants de la localité et ceux des environs. En grande partie, les populations des hautes terres du diri. Fuyant la chaleur, les habitants des villages environnants quittent les lieux peu avant la coupure du jeûne après un long moment dans l’eau.

Dioubel : Les fidèles dans le « djihad »

Le mois de Ramadan qui coïncide avec la forte chaleur qui sévit dans la région de Diourbel n’a pas permis à certains d’accomplir leurs activités quotidiennes. Par contre, les ouvriers estiment que le volume de travail a diminué de moitie. Cela nécessite une réorganisation du travail.
Avec la forte canicule qui prévaut dans le Baol où le thermomètre affiche les  40 degré, il est difficile de jeuner et de travailler  en même temps. Serigne Wade, un mécanicien  trouvé à la gare routière de Bambey est couché sur une natte avec deux autres ouvriers. L’ouvrier visiblement fatigué lâche ces mots: «nous avons réorganisé le travail durant la période du Ramadan. Il y a une forte chaleur qui sévit dans la région de Diourbel. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes organisés dans le travail. Pour ce faire, nous réparons un seul véhicule pendant la matinée. A midi, on ne peut plus travailler parce qu’il devient chaud. En ce moment, on est obligé de se reposer. Nous fournissons 50 pour cent de nos moyens physiques». Modou Niang, un enseignant, estime que tout est question d’entrainement et d’habitude. Le jeune ne peut en aucun cas entamer de travailler à l’école. «Certes, il fait chaud, mais on s’adapte car on est habitué et  grandi à Diourbel. Apres le travail, je me rends ici, à Medinatoul où j’assiste au Foulk.»

Mbaye Diakhaté, quant à lui, est  adjoint au maire de la commune de Diourbel. Croisé au Foulk de Médinatoul, il explique que «le Ramadan est un mois de dévotion  qui  ne diminue en rien mon  volume de travail. Je vaque aux besoins institutionnels c’est à dire à mon travail, en ma qualité d’élu local et en tant que gestionnaire d’une structure communautaire. Et, cela ne m’empêche en rien de vaquer à mes obligations divines que sont la prière, le jeûne. Donc, c’est un mois qui ne diminue en rien mes activités», a-t-il conclu.
Pour Pape Sidy Mbodji, originaire de Louga, le Ramadan constitue son «mois de congés. Cela me permet de me reposer. Toutes mes activités tournent au ralenti. Nous passons tout notre temps à lire le Coran».

Le Foulk au menu 

En ce mois béni de Ramadan, les musulmans de Diourbel sont partagés entre les conférences religieuses et le Foulk initié par Serigne Moustapha Bassirou Mbacké et perpétué par son fils Serigne Mountakha. Ces talibés viennent de tous les horizons du pays. C’est le cas de Pape Sidy Mbodji, un talibé qui a quitté la ville de Louga  pour venir faire ses ziarra au niveau de Médinatoul et auprès de son marabout Serigne Mountakha Mbacké. Apres cela, il prend part au Foulk qui débute de 17 à 19 heures. Il s’agit de récitals des panégyries de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du Mouridisme. A notre passage vers 17 heures, une forte affluence était déjà notée devant  la concession de Serigne Touba  où les vendeurs de khassaïdes et de chapelets sont alignés tout au long de la façade du mur qui fait face à la  grande mosquée de Médinatoul. Une œuvre architecturale tracée par le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, alors en résidence surveillée à Diourbel.

SEDHIOU : Foi, canicule et vie chère

Le mois béni de Ramadan fait l’objet d’une observance spirituelle très remarquable dans la capitale du Pakao et environs. Jeunes, moins jeunes, hommes et femmes se plaisent à apparaitre sous la forme la plus pieuse, jusque dans le langage, l’accoutrement et les relations sociales fondées sur l’entraide et la dévotion. Cependant, la précarité économique arrimée au coût cher de la vie rend l’accès aux besoins alimentaires de première nécessité quelque peu difficile. L’autre caractéristique de cette année, c’est la canicule qui assèche la gorge, mais sans toutefois décourager les jeuneurs acquis à la cause céleste.

Le Ramadan a commencé presqu’à l’unisson à Sédhiou et sa région, à l’exemple de toutes les entités du Sénégal. Cette année, il a coïncidé avec une période de forte chaleur qui avait nourri la peur de certains de s’engager dans cette pénitence qui est l’un des cinq piliers de la religion musulmane. Nonobstant cette austérité atmosphérique, les fidèles musulmans accomplissent, avec foi, ce devoir dont la récompense céleste est attendue à l’au-delà.

L’accoutrement, le langage et les relations sociales sont revus et adaptés à la circonstance: «daniouy sellal» (on reste dans la spiritualité), selon le langage communément usité. «Le Ramadan est un mois de pénitence au cours duquel le fidèle musulman replonge dans la plus profonde conviction en Allah, notre Créateur, le Tout Puissant, le Miséricordieux. Il est vrai que la faim est difficile à tenir pour certains, mais ce mois-ci, de par sa spiritualité, ne pouvait être identique aux autres tellement les gens se remettent à Dieu; ce qui doit sans doute être un fait ou une conduite au quotidien», a déclaré imam Idrissa Sagna, prêcheur à Gabou FM Sédhiou. Et de conclure: «un musulman ne doit pas attendre le mois de Ramadan pour être dans sa foi, mais en tous lieux et en tous temps, c’est cela la foi et la conviction et la fidélité en Dieu».

Le temps qu’il fait à Sédhiou, depuis le début du Ramadan, est en moyenne 40°C le jour et 25 à 30°C le soir. Tous s’accordent à décrier cette forte chaleur. Mais, résignation à l’appel du devoir oblige, «c’est vrai qu’il fait très chaud mais, en tant que croyants, nous maintenons le rythme car un pilier de l’Islam ne se marchande pas, il s’exécute à la lettre. Pour ce qui est de mon activité professionnel, je ne sens pas de difficulté particulière. Nous avons adapté nos horaires qui conviennent à tous», a expliqué Mme Diédhiou Marème Gaye, secrétaire administrative de l’inspecteur d’académie de Sédhiou.

Sa collègue de bureau, Mame Fatou Diémé, très souvent emportée par un sommeil, se contente de dire: «c’est certes pénible, mais j’irai jusqu’au bout». Et Aïda Thioune du programme PAEBCA de se bomber le torse: «depuis ma tendre enfance, je n’ai jamais eu peur du Ramadan». Mais, pour Bacary, un jeune maçon, «le Ramadan rime difficilement avec notre boulot qui requiert beaucoup de force. Je l’accomplie dans la douleur, mais avec foi», dit-il.

Au sujet des prix sur le marché, certaines denrées ont légèrement augmenté. C’est le cas de l’oignon. De 300 F Cfa, ce produit est cédé, aujourd’hui, à 400 F Cfa le kilogramme, renseigne Fatou Sané une femme de ménage habitant Moricounda. La tablette d’œufs passe de 2000 à 2.200 F Cfa, pis, ils sont même introuvables au marché central de Sédhiou. Cela dans un contexte de vie chère.
«Je me souviens, à l’époque où le président Senghor était à la tête du Sénégal, le pouvoir d’achat était favorable aux populations. Mais, actuellement, avoir même 500 F Cfa est une gageure pour certains chefs de carré» pipe, très nostalgiquement, un sexagénaire rencontré dans la rue à hauteur de la poste.

«Moi, je suis un artisan, mais je jure que les temps sont durs, surtout ici à Sédhiou. Beaucoup de jeunes sont en chômage. Mes deux fils ont subi des formations, mais attendent toujours un emploi. Mais ils ne veulent jamais tenter l’aventure par une quelconque émigration, de surcroit dans la clandestinité», informe Lamine Badji.

ZIGUINCHOR :  A chacun ses méthodes pour se rafraichir

«Difficile de pratiquer le jeun à Ziguinchor». Cette phrase sonne comme une rengaine chez la plupart des Ziguinchorois (musulmans) exposés, depuis le début du mois béni de Ramadan, à une forte canicule. A l’image de ce commerçant somnolant devant sa cantine, même attitude pour ce marchand ambulant refugié dans un atelier à la recherche de fraicheur, certains Ziguinchorois terminent difficilement le Ramadan à Ziguinchor.

Le mercure monte souvent jusqu’à 40 degrés la journée. De quoi installer le tournis chez les jeuneurs très éprouvés en ces temps qui courent. «Heureusement que l’électricité est stable même si ces dernières 48 heures on a vécu le calvaire la nuit avec de longues coupures d’électricité la nuit dernière», lance avec dépit un jeune Ziguinchorois. En l’absence de plages, certains jeunes passent des heures sur la berge du fleuve Casamance. Mais, la découverte macabre de corps à côté du fleuve ces derniers jours a fini par décourager plus d’un.

A côté de cette canicule, les difficultés économiques. Le Ramadan est venu accentuer la déche dans cette ville déjà  sous conjoncture économique. «Les affaires marchent difficilement en ce moment, je n’arrive pas à écouler mes marchandises; les clients se font désirer et ça se comprend: «il n’y a pas d’argent… », se désole ce commerçant installé au centre-ville. Au-delà de ceux qui trinquent en ce moment, il y a  d’autres qui commencent à afficher le sourire dans ce dernier tournant du Ramadan: les tailleurs très sollicités qui ont démarré les nuits blanches.

Mor Talla Mbaye, tailleur au marché Boucotte de déclarer: «nous commençons à recevoir des commandes pour la Korité, et on espère que la demande sera forte pour nous permettre de réaliser un bon chiffre d’affaire. Car ce n’est qu’à cette veille de fête qu’on peut souffler; passés ces moments on se tournent les pouces devant nos machines».

Les premières pluies attendues dans la dernière décade du mois de juin, selon les prévisions de la météo, les populations  devront s’armer de courage et de patience pour affronter cette forte chaleur qui sévit à Ziguinchor depuis le début du Ramadan. Une période qui rime avec  forte canicule.

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