Macky à Tivaouane: Le Khalife bénit son appel au dialogue, quid de l’opposition ? Par Cissé Kane NDAO*

Macky Sall vient de se rendre à Tivaouane. Une visite riche d’enseignements. Car la déclaration qu’il y aura faite est symbolique. Rappelons-nous que les plus solennels avertissements sur les risques d’une déstabilisation politique du pays par les politiciens y avaient été prononcés, il y a quelques temps. C’est également Tivaouane qui se sera le plus publiquement illustré dans la médiation pour la libération de Khalifa Sall. N’oublions pas aussi que l’actuel Khalif, ancien porte parole de la famille avait clairement déclaré qu’il fallait être aveugle pour ne pas reconnaître au Président Macky Sall son mérite par le travail qu’il abat à la tête du Sénégal.

Vu les relations privilégiées que notre Président entretient en tous points avec Tivaouane, il va sans dire que Macky Sall ne pouvait que saisir la balle au rebond de l’annonce du déplacement du Khalif général à Dakar pour le rencontrer, pour filer dare dare le retrouver à Tivaouane, et profiter de cette tribune pour parler au peuple sénégalais, et surtout à l’opposition qui a revêtu le bleu de chauffe pour lui faire sa fête.

« Quand la brousse est en feu, l’animal court vers la rivière » disait Birago Diop. Aujourd’hui le contexte socio politique est lourd de dangers et les risques d’embrasement de notre pays sont flagrants, même si le régime mackyen tente de minimiser les signes d’avertissement qu’il décèle dans tous les actes posés contre Macky Sall au jour le jour.

Ce n’est pas un hasard non plus, si les plus hautes autorités de notre pays ont dénoncé les tentatives de déstabilisation du régime par des forces pilotées depuis l’étranger, et notamment Doha, avec à la baguette un tandem père-fils plus dangereux que jamais. L’appareil PDS et l’aura de Karim Wade couplés à la volonté de retrouvailles de l’opposition significative sous la houlette d’un Me Wade revanchard pourraient faire très mal à Macky Sall, dès les Législatives, en effet.

Surtout que cette opposition tient sa stratégie, qu’elle espère gagnante : ses principaux leaders auront la responsabilité des investitures sur les listes départementales qu’ils conduiront pour le compte de la coalition qu’ils comptent mettre en place. Les autres responsables se retrouveront sur la liste nationale, à la tête de laquelle trônerait Me Wade ou une figure largement consensuelle. A titre d’exemples illustratifs, M. Idrissa Seck pourrait conduire la liste départementale à Thiès. A Ziguinchor, Abdoulaye Baldé sera aux manettes, à Guédiawaye Malick Gackou, à Saint Louis Ahmed Fall Braya et Cheikh Bamba Dieye, à Dakar la liste sera pilotée par Khalifa Sall et Pape Diop et j’en passe.

Si ce schéma est retenu, l’opposition espère être suffisamment forte pour faire basculer les Législatives, remporter une victoire éclatante et imposer une cohabitation forcée au régime de Macky Sall. Cerise sur le gâteau, Me Wade obtiendrait alors le retour de Karim Wade, et l’abandon des charges retenues contre lui sera entériné en conséquence.

C’est donc dire que le contexte politique est tendu, avec une opposition qui est sure de pouvoir renverser la tendance et qui n’est prête à aucune concession, et un régime prêt à tout pour freiner les combinazione qui veulent le priver des moyens de gouverner.

La tâche s’avère ardue pour le Khalif général des Tidianes, car son offre de médiation à laquelle adhère entièrement un Macky Sall plus consensuel que jamais est bien tardive, selon l’avis des caciques de l’opposition.

La situation en est arrivée à un tel point de pourrissement que la seule vérité désormais qui puisse rassembler les deux parties pour un dialogue sincère et constructif ne peut être que celle qui sortira des urnes. L’opposition est en effet prête à en découdre avec Macky Sall et ses alliés, et pour dialoguer le préalable semble dorénavant être pour elle le recours à l’arbitrage du peuple sénégalais, pour déterminer dans quel contexte le dialogue politique aura lieu.

Les Législatives seront donc un rendez-vous crucial. La nouvelle donne qui en découlera sera le baromètre de notre démocratie qui posera clairement les conditions d’un dialogue véritable au vu de la nouvelle configuration des rapports de forces qu’elles engendreront.

Macky Sall rusé comme un sioux n’ignore rien de cette situation. Son appel au dialogue, la réitération de son ouverture aux forces de l’opposition, et sa disponibilité pour une collaboration au service exclusif des populations du Sénégal sont des positions de principe propres à l’attitude attendue d’un chef de l’Etat.

Mais il n’ignore pas non plus que le manteau de président de parti dont il a couvert ses épaules suscite méfiance et retenue de la part de ses adversaires, surtout après la première expérience du dialogue national qui aura servi de prétexte quelques jours plus tard à la libération de Karim Wade qui a filé au Quatar depuis. Cet appel réitéré au dialogue qui sera certainement suivi d’actes concrets ces jours prochains ne serait-il pas encore l’occasion d’élargir un non moins encombrant prisonnier pour la libération duquel une grande frange de la population a lancé un combat politique de grande envergure ?

Quoi qu’il en soit, le Sénégal est à la croisée des chemins. Et la seule vérité qui imposera le dialogue sera celle qui sortira des urnes, au soir du 30 juillet. D’ici là la priorité est surtout de veiller à la crédibilisation du processus électoral, et à l’expression des libertés octroyées par la Constitution.

Il convient pour la justice de vider rapidement les dossiers en cours. Et de dire le droit en conséquence, sans pression aucune. Car il serait inconcevable de libérer des prévaricateurs de deniers publics sur la base d’une prétendue pacification de l’espace sociopolitique. Cela marquerait l’affaissement de l’Etat, et sera une porte ouverte à la pagaille.

*Président A.DE.R

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