Gambie : Pourquoi Jammeh a expulsé Agnès Guillaud

Après l’expulsion le 05 juin dernier sans motifs de la Chargée d’affaires et représentante de l’Union européenne en Gambie, Agnès Guillaud, certaines langues se sont déliées à Banjul.

L’on apprend ainsi que l’expulsion de la diplomate européenne fait suite à un échec quelques heures plus tôt, d’une rencontre de haute importance entre des représentants du gouvernement de Gambie et des diplomates. Avec pour objectif de relancer le dialogue politique au point mort depuis deux ans.

Les discussions précédentes entre les deux parties ont brusquement été interrompues en 2013 lorsque le gouvernement gambien a rejeté un programme en 17 points présenté par l’UE, portant sur plusieurs sujets. La réouverture du dialogue amorcée ce jour-là devait donc contribuer à rassurer les Européens sur la volonté de la Gambie de s’inscrire dans le cadre de l’article 8 de l’Accord de Cotonou qui veut que des concertations politiques régulières soient engagées entre l’UE et les parties africaines prenantes de cette accord. Auparavant, dans l’entourage de Jammeh, la ministre des Affaires étrangères Neneh Mc Douall et certains fonctionnaires réussissent à convaincre le président de revenir à la table des discussions puisque la rupture du dialogue avec l’UE porte un sacré coup à l’économie gambienne et impacte très négativement sur les liens entre la Gambie et les pays membres de l’UE.

De leur côté, les diplomates européens espéraient poursuivre la coopération avec la Gambie dans le cadre du 11e Fonds européen de développement pour la période 2014-15 qui est toujours bloqué, au grand désarroi des projets d’infrastructures et de développement financés par le Fonds européen de développement. Mais il était presque impossible de s’accorder sur l’agenda de la rencontre puisque ce sont surtout des questions liées à la gouvernance et aux droits humains qui préoccupaient davantage les Européens. Il s’agit notamment de la mainmise du gouvernement gambien sur les médias indépendants, l’exécution de neuf prisonniers en 2013 et la multiplication d’arrestations arbitraires d’opposants et de rivaux politiques. La situation économique dont la crise monétaire qui voit le Dalasis, la monnaie nationale gambienne, chuter gravement face aux devises étrangères, était aussi au rendezvous.
Les questions régionales ont porté sur la situation volatile au Mali, les problèmes de sécurité dans la région de Casamance au Sénégal et l’état des relations avec la Guinée Bissau notamment, les grosses préoccupations concernant le trafic international de drogue dans la sous-région. Devant la difficulté pour les représentants du gouvernement gambiens à prendre une quelconque décision sur autant de sujets sensibles où seul l’homme fort de Banjul est maître de la parole, les discussions avec les délégués Européens se sont terminées en queue de poisson. Mis au courant de l’échec des discussions Yahya Jammeh qui était impatient de retrouver les fonds bloqués pour soulager ses maigres ressources publiques est entré dans une colère noire et a immédiatement pris la décision d’expulser la Chargée d’affaires et représentante de l’Union européenne en Gambie, Agnès Guillaud. Quelques heures plus tard à 20 heures, la télévision nationale gambienne (GRTS) annonce la nouvelle. Comme toujours, le communiqué de Yahya Jammeh met un silence absolu sur les raisons ayant motivé sa décision de déclarer Agnès Guillaud persona non grata. Preuve que le natif de Kanilai est très remonté contre les Européens, le nouvel ambassadeur de l’UE en Gambie qui est le même diplomate basé au Sénégal, M. Joaquin Gonzalez-Ducay, a dû présenter ses lettres de créance au ministre des Affaires étrangères de la Gambie, Neneh Macdouall Gaye au lieu de Yahya Jammeh

avec Enquête

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