« Faut-il repenser la notion de développement économique et social ? Le nouveau concept de développement recentré sur l’Humain (Drh) », Par Magaye Gaye

A l’heure où le Premier Ministre Français Monsieur Manuel Valls séjourne dans notre pays dans un contexte de tenue de la 71e session annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies, occasion ne pouvait être plus propice de s’interroger sur le contenu du concept de développement économique.

Plus de cinquante années après les indépendances, force est de reconnaître que les pays africains restent toujours enrôlés dans une spirale de recherche de développement économique et sociale à outrance. Sans résultats suffisants concrets, si on retient l’acception du développement telle que vue par l’occident, mais surtout sans même savoir exactement ce qui est recherché à travers cette course folle vers ce progrès dont on ne cerne pas encore les contours. Il suffit de faire le tour de nos universités et grandes écoles, de nos campagnes, de nos cercles d’intellectuels, bref de la société toute entière pour s’apercevoir que la notion de développement économique et sociale, bien que galvaudée demeure un concept encore flou dans les esprits. Comme un mirage qu’on essaie d’atteindre et qui au fur et à mesure s’éloigne.

Il apparaît aujourd’hui grand temps que nous africains arrivions à trouver un consensus minium autour de ce concept de développement afin de susciter l’adhésion communautaire sur les objectifs à atteindre. A l’école, nous avons toujours été servis de notions, prêtes à l’emploi comme celles de croissance économique, de démarche stratégique, et plus récemment de protection de l’environnement. Des concepts plus souvent théoriques et intellectuels que concrets et pratiques. Il en est de même du concept de développement qui est trop généraliste et sans contour précis. Mais au juste c’est quoi le vrai développement économique qu’il nous faut à nous pays africains ? Est-ce l’acception qu’en ont les grands économistes occidentaux que nous avons intérêt à retenir irrémédiablement ou devons nous en toute indépendance et en tenant compte de nos spécificités culturelles et religieuses nous réapproprier cette notion une fois de plus tant galvaudée, en définissant nos propres critères ?

Il suffit de parcourir la littérature très nourrie émanant de différents cercles économiques pour se rendre compte au moins que la croissance économique n’est pas forcement synonyme de développement économique et social. La croissance économique désigne la variation positive de la production de biens et de services marchands dans une économie sur une période donnée. Compte tenu (i) des incertitudes notées dans son système de mesure (fiabilité insuffisante des statistiques), (ii) du fait qu’elle est dans bien des cas insuffisante et mal répartie entre les populations et (iii) en tenant compte d’une forte croissance démographique, les pays africains ne devraient pas seulement compter sur cette notion pour confirmer leur certitude qu’ils sont dans la bonne direction.

Pour l’économiste Français François Perroux, le développement est « une combinaison des changements mentaux et sociaux d’une société qui la rendent apte à faire cumuler progressivement et durablement son Produit Intérieur brut ». Selon Douglas North, le développement économique consiste au passage d’un ensemble d’Institutions archaïques à des Institutions modernes capables d’œuvrer au bien être de la population.

Ces définitions, sont à l’analyse, trop généralistes et abstraites. Elles relèvent plus d’un débat théorique, que d’une volonté d’inscrire les actions sous jacentes du développement dans le concret. Prenons la définition donnée par François Perroux, les changements mentaux et sociaux dont il est fait allusion ne peuvent pas être appréciés de façon normative dans la mesure où, tout changement renvoie à des acceptions culturelles et religieuses. Par conséquent, ils sont difficilement mesurables et peuvent renvoyer à des jugements de valeurs. De même, la deuxième partie de la définition qui mise sur le cumul progressif et durable du produit intérieur brut, occulte le fait que cette dernière notion ne saurait suffire pour définir à lui seul le progrès. En effet, en plus des tares soulevées ci-dessus dans l’appréciation de la croissance économique, le produit intérieur brut ne prend pas en compte des indicateurs qualitatifs comme, le bonheur de vivre en société et dans la solidarité, ou encore les aspirations religieuses. Par ailleurs, la notion de cumul progressif et durable est aussi un élément très théorique qui ne définit pas ses normes d’appréciation et ne prend pas en considération un facteur sociologique à fort impact sur la redistribution de la croissance à savoir le progrès démographique.

S’agissant de l’acception de Douglas North, elle a l’inconvénient de résumer le développement économique à la notion d’Institutions. Une telle vision est assez restrictive et difficilement acceptable au regard des jugements de valeurs que cela pourrait engendrer. Les Institutions devant en effet résulter de l’organisation sociale culturelle et religieuse de la société humaine concernée. L’exposé de ces deux visions du développement montre à quel point la notion de développement économique et sociale présente des difficultés par rapport à son appréciation objective.

La vision de la Banque Mondiale sur le phénomène ne semble pas mieux éclairer notre lanterne. Cette institution définit en effet le développement comme une combinaison des caractéristiques suivantes : une croissance auto entretenue et durable, des changements structurels dans les modes de production, c’est-à-dire la réduction de la dépendance par rapport aux matières premières et la production des biens et services, un rattrapage technologique, une modernisation sociale politique et institutionnelle, et une amélioration significative de la condition humaine les processus transformationnels à opérer. Cette vision de la Banque Mondiale se base sans aucun doute sur une grille de lecture avec comme fondement les résultats atteints par le monde occidental, considéré comme norme. Elle n’insiste pas beaucoup sur l’impact concret et mesurable que ces différentes transformations devraient avoir sur le progrès de l’humanité. Bref, cette définition privilégie le comment du développement et reste muet sur le qu’est-ce que le développement.

Or, tant que les pays africains, les principaux concernés, n’arriveront pas à trouver un minimum de consensus autour de la question, il sera difficile de définir une stratégie claire, apte à susciter l’adhésion des masses autour d’objectifs réalistes à atteindre. Tirant l’expérience des insuffisances notées dans les différentes approches du développement, nous voudrions humblement apporter notre contribution. Nous partirons d’un constat de base à savoir que tout processus, toute transformation, devrait partir des ressorts spirituels et du vécu culturel des populations concernées. Et avoir comme finalité ultime la satisfaction des besoins exprimés par les êtres humains.

Du reste, les doctrines enseignées par les religions monothéistes révélées, dont l’impact sur le vécu des populations africaines est réel, insistent pratiquement toutes sur le caractère éphémère de cette vie ici bas et la nécessité d’éviter tout matérialisme à outrance. L’homme étant au début et à la fin de tout développement, la question de base est de savoir concrètement de quoi a besoin l’espèce humaine dans le temps et l’espace pour exercer la mission qui lui est confiée sur terre.
Au total, nous pensons que le développement, acception que nous rêvons de voir, désormais remplacée par l’expression « Développement Recentré sur l’Humain (DRH) » devrait permettre, quelles que soit les politiques publiques et les stratégies privées menées de répondre aux 7 besoins ci-après.

1- Besoin de manger en quantité et qualité suffisante
2- Besoin de boire de l’eau potable en quantité et qualité suffisante
3- Besoin de se soigner correctement
4- Besoin d’avoir un habitat et un cadre de vie décent
5- Besoin de se vêtir dignement
6- Besoin d’effectuer correctement ses déplacements.
7- Besoin d’avoir une éducation et une formation de qualité.

Avec en filigrane 2 autres besoins non moins importants, en général satisfaits lorsque les 7 ci-dessus ont trouvé des solutions : il s’agit de la paix et de la sécurité.
La satisfaction de ces 7 besoins sur lesquels devraient veiller les populations africaines, pourrait être source de paix durable. Elle est de nature à réduire les différentes sources de tension et de conflits dont les germes sont à rechercher dans la persistance de la pauvreté. Une telle satisfaction de ces besoins fondamentaux devrait tout aussi libérer les énergies pour bâtir progressivement et de manière durable des infrastructures dignes de ce nom et satisfaire d’autres besoins secondaires qui pourraient éclore. De notre point de vue, une société qui arrive à satisfaire ces différents besoins est tout naturellement développée. Elle n’a pas besoin d’avoir au préalable de grandes autoroutes, des tours immenses ou des voies ferrées à grand écartement pour confirmer son ancrage dans le développement. L’homme peut trouver son bonheur et s’estimer être parfaitement heureux avec peu de choses.

Il est grand temps que nous sortions des schémas tracés, figés, préconçus, qui nous ont fait du tort depuis plus d’un demi-siècle. Il est tout aussi grand temps de sortir de ces réflexions trop intellectuelles et abstraites, du genre Nepad. Evitons les « copier coller » dans nos rapports avec l’Occident. Des questions cruciales comme par exemple l’omniprésence de DIEU dans la conduite de nos sociétés et le rôle non négligeable que joue le facteur « solidarité » dans l’atténuation des difficultés socio économiques de nos pays devraient être prises en compte dans notre appréciation des questions liées au développement. Il en va de même de notre propre appréciation de la problématique du chômage dans un contexte de forte importance du secteur informel, de l’acceptation assumée du rôle reconnu que joue ledit secteur dans notre système social, de la nécessité d’adapter nos jours fériés à notre contexte culturel ; sans oublier la manière de nous insérer dans la mondialisation, la nécessité d’anticiper dans le cadre d’une démarche prospective les menaces qui pèsent sur nos sociétés et l’urgence d’avoir notre propre grille d’analyse sur que doit être la démocratie pour des sociétés à fortes spécificités culturelles. Changer de comportement et de mentalité oui. Mais pour nous, ce concept signifie plutôt aimer sa patrie et son continent, éviter d’alimenter le phénomène de la corruption, préférer les productions locales à celles importées, respecter les règles établies par la Communauté, recentrer le budget de l’Etat vers la satisfaction des 7 besoins énumérés ci-dessus, développer l’esprit d’entreprise. Nous nourrissons l’espoir de voir les Gouvernements africains s’approprier cette nouvelle notion de Développement Recentré sur l’Humain (Drh). Des indicateurs de définition des normes et de suivi de l’état de réalisation du Niveau de Satisfaction des Besoins Fondamentaux (Nsbf) pourraient être définis à l’échelle sous régionale en fonction des zones d’intégration existantes et progressivement intégrés au niveau continental.

Pour terminer, nous voudrions insister sur le besoin d’avoir une éducation et une formation de qualité. Il est très important dans la mesure où l’Homme est au début et à la fin de tout développement. Il en est l’acteur clé. L’éducation et la formation n’ont pas seulement les écoles, les Instituts de formation et les universités comme creusets. Dans la mesure où les pays africains subissent de plein fouet des agressions culturelles induites par un développement exponentiel des outils de communication des pays développés, le rôle de la famille devient indispensable dans l’éducation de base du citoyen. Des matières comme l’éducation civique et la morale de même que l’apprentissage des langues locales dominantes et de l’histoire des héros africains devraient être intégrées aux contenus pédagogiques. Sans oublier des modules comme l’esprit d’entreprise. En outre, le recours systématique au service militaire devrait aussi être exploré car force est de constater que les Forces Armées Nationales font partie des corps sociaux les mieux organisés dans nos pays.

Magaye Gaye
Président du Parti La Troisième Voie
Ancien de la Boad et du Fagace
gmc1923@hotmail.fr

1 COMMENTAIRE
  • pro

    Article interessant mais je suis plus pour definition de la BM
    le developpement est qualitatif, il faudrait une croissance forte qui elle meme est conditionnees par des changement mentaux et sociaux (idees de progres,entreprenariat,destruction des societes rurales

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