Exclusivité senego : Alioune Tine résume la folle journée du 23 juin 2011

Alioune Tine, l’un des initiateurs de la manifestation du 23 juin 2011 revient avec senego.com sur cette folle journée où la pression populaire avait eu raison du régime libéral qui a retiré du Parlement le projet de loi instituant le ticket présidentiel. L’agression qu’il a subie ce jour, la mobilisation des forces vives, le retrait de la loi…, Alioune Tine résume le 23 juin dans cette interview qu’il a accordée à votre site de référence

Monsieur Tine, pourquoi la classe politique et la société civile avaient manifesté contre le régime de Wade le 23 juin 2011?

Les raisons de la manifestation du 23 juin c’est le projet de révision constitutionnelle permettant au Président de Wade de briguer un 3ème mandat inconstitutionnel, d’élire un Président de la République et un vice-président par un ticket et avec un score de 25%. Un projet élaboré dans la confidentialité car beaucoup de membres de la direction du PDS et du gouvernement n’étaient pas au courant du projet que le Premier ministre lui-même n’a découvert que le jour du Conseil des ministres le 16 juin. Pour faire court le 23 juin a permis d’arrêter un projet de coup d’état constitutionnel.

Voulez-vous résumer cette folle journée du 23 juin?

Très difficile de résumer cette journée folle. A 8h nous étions à la Raddho où les membres du M23 s’étaient donné rendez-vous pour aller à la place Soweto devant l’Assemblée nationale. À 9h le cortège s’est ébranlé pour arriver à la Place Soweto. Arrivés sur place, nous avons été tous surpris par la foule immense de jeunes, d’hommes et de femmes avec des banderoles touche pas à ma constitution. Et ça n’arrêtait pas de venir de toutes parts. Pour faire court une telle mobilisation est inédite dans l’histoire politique par son caractère massif, le délai court de la sensibilisation et de la mobilisation, entre le 16 et le 23 juin mais aussi la détermination des gens et tout particulièrement des jeunes qui sont restés en place jusqu’au retrait du texte. Personnellement c’est aux environs de 11h 30 que j’ai été sauvagement agressé et conduit à l’hôpital principal au pavillon des soins intensifs. Quand je me suis réveillé vers 18h le professeur Wade était à mon chevet avec plusieurs médecins. Il m’a dit Alioune tu peux te réjouir, tu viens de gagner ton combat. Il faut le dire l’agression et toutes les rumeurs ont fortement indigné et accentué la colère des gens.

Avec le projet de réforme constitutionnelle de Wade, y avait-il vraiment une dévolution monarchique du pouvoir ?

Tous les signes antérieurs, la forte influence de Karim sur le Président Wade, les pouvoirs qui lui étaient dévolus étaient tels que son point de vue était prévalent sur tous les autres. Même les tentatives entreprises par le président de l’assemblée nationale de l’époque, le Président du Sénat et le Président du groupe parlementaire pour reporter et tester l’opinion acceptée par le Président lui-même ont été rejetées après que Karim a rencontré le Président. Cette présomption de donner le pouvoir à Karim n’était pas totalement infondée avec du reste certaines influences connues dans la sous-région et sur le continent.

Il y a eu des manifestations violentes, ne s’agissait-il pas d’actes inciviques ?

C’est vrai qu’il y a eu des actes violents et tout mais c’était le prix à payer par le peuple sénégalais pour stopper un coup d’Etat constitutionnel et reconquérir sa souveraineté. Dans aucun pays au monde des forfaitures de cette nature ne sont accomplis sans violence. Au Burkina c’est l’Assemblée nationale qui a été incendiée.
Concernant si la rupture est réelle ou non avec le régime actuel, posez la question aux sénégalais.

Un autre 23 juin est-il possible avec l’actuel régime?

Franchemen1t je ne sais pas. Ce qui est sûr c’est que le peuple sénégalais est mûr et dans des circonstances exceptionnelles il sait faire face. Donc il faut toujours savoir ne pas franchir les lignes rouges concernant sa souveraineté et ses droits fondamentaux.