Ebola: Une émergence qui tue! Par El hadji Ibrahima Sall, ancien ministre

L’épidémie du virus d’Ebola continue de tuer. Partie de la Guinée, elle compte aujourd’hui parmi ses victimes, plusieurs ressortissants de pays voisins. Je voudrais d’abord exprimer mes condoléances les plus attristées aux familles des victimes.

D’autres pays, dont le nôtre, risquent d’être concernés par la maladie, vue sa progression. L’endémie du virus Ebola progresse vite. Il s’agit, en effet, d’une maladie enracinée, d’après l’étymologie, dans un réservoir de virus, source de contamination pour le sujet sain, avec ses modes d’évolution et de progression propres. C’est une endémie qui se définit essentiellement par son écosystème (population, environnement, agents pathogènes) et qui met en jeu plusieurs facteurs intervenant, tous, à des degrés et des niveaux divers, seuls ou combinés, comme facteur d’enracinement ou de multiplication de l’agent pathogène dans une zone donnée, pouvant aller d’une aire géographie locale à la terre entière.

Le phénomène des maladies infectieuses et surtout virales, s’est accéléré à partir de la seconde moitié du xx siècle. Les fièvres hémorragiques virales, en particulier le virus Ebola, s’est développé à partir des années 70, pour des raisons liées, principalement, à la démographie, l’exploitation de ressources, et le bouleversement des écosystèmes.

Comme toute endémie, Ebola appelle un discours médical et un discours politique. Le premier discours a réussi à faire le consensus sur l’identité, l’étiologie, la curabilité de la maladie, ne laissant aucune place à une querelle d’écoles thérapeutiques.

Quant au discours politique, il cherche, manifestement, ses repères : a-t-on pris conscience de la gravité de l’endémie ? Le dispositif social de prévention, de surveillance, et de police de l’endémie parvient-il à rassurer ? Quel est le statut social des malades, de la maladie ? Quel est le contexte de croyances et de superstitions qui structurent l’imaginaire de la société face à la maladie ? Et enfin, que doivent faire les Pouvoirs publics pour rassurer les populations et protéger effectivement la vie de nos compatriotes.

Passées les recommandations de la médecine en de pareils cas – brûler, détruire et stériliser le réservoir de virus ; incinérer les morts de la maladie, isoler les cas suspects ; ensuite contenir, c’est à dire, éviter la transmission en restant vigilant sur toute trace de symptôme, il convient de mettre en place des dispositifs pour protéger.

A ce sujet, je voudrais proposer aux autorités politiques et sanitaires de notre pays, de procéder à la fermeture de nos frontières, imprudemment et précocement réouvertes au début du mois de Mai, après les avoir fermées au mois de Mars. Il s’agira non seulement de fermer les frontières officiellement avec tous les pays susceptibles d’être des points d’entrée de la maladie, mais aussi d’interdire les vols en provenance de pays touchés par l’endémie. Il faudra ensuite accompagner ces mesures avec la constitution d’équipes mixtes – forces de sécurité, douanes, et personnel du corps médical – pour assurer un contrôle plus fiable notamment sur les denrées alimentaires importées de ces pays. Il faudra également engager les délégués de quartier au repérage des abattages clandestins et des nouveaux immigrants issus des pays touchés.

Quant à l’information des populations, je propose que le gouvernement aille plus loin que de simples spots publicitaires qui restent un mode aléatoire. L’information sur la maladie et les conduites à tenir doit impérativement atteindre les destinataires, et non reposer sur les chances de tomber par hasard sur la bonne chaine de télévision, ou la bonne fréquence de radio, au bon moment. Pour cette raison, la mobilisation doit être entretenue et animée par tous les acteurs de la vie publique.

Aux partis politiques, aux associations de femmes, de jeunes ; aux associations religieuses, il incombe de mobiliser sympathisants, adhérents et d’indiquer les bonnes adresses et les bons contacts; de transmettre la conduite à tenir. Chaque association, chaque parti politique, chaque organisation de la société civile pourrait désigner un point focal, un relais pour animer ces cellules de crise.
Les guides religieux et les prêcheurs devront, sur les lieux de culte et de prière, dispenser la bonne parole, informer et sensibiliser. Chaque grande famille pourrait, à l’instar des associations, dresser sa petite cellule de crise pour informer et sensibiliser. Dans les écoles, les entreprises et les familles la même démarche devrait être adoptée.

Je propose au Président de la République de décréter un week-end de mobilisation, sensibilisation sur Ebola pour que, restant à domicile, nous puissions nous entretenir de cette maladie avec nos familles et nos voisins. Je lui demande aussi de donner des instructions pour que soient ouverts des lieux virtuels d’information sur internet et sur les réseaux sociaux au sujet de l’endémie.

L’endémie née du virus Ebola nous rappelle tous cependant avec quelle fermeté nous devons régler les lancinants problèmes devant lesquels nous ne cessons de fermer les yeux. On ne peut se protéger contre ces endémies persistantes, en extension, ou émergentes, si nous ne traitons pas avec rigueur, toutes les questions d’hygiène, de propreté, et de comportement qui sont la source et les facteurs d’aggravation et de propagation de ces maladies.
Un Etat ne doit pas se contenter de réagir. Il doit anticiper : éradiquer la mendicité et la saleté dans les rues; passer des contrats avec les collectivités locales pour ensuite mettre sous délégation spéciale toutes celles d’entre elles qui se montreraient incapables de tenir leur localité dans l’hygiène et la propreté. La vigilance alimentaire requiert que les services de contrôle de l’élevage soient mobilisés, que les lieux de restauration publique – dibiteries et fastfood – soient strictement inspectés, et que la chasse soit suspendue jusqu’à nouvel ordre. Ces mesures viendront en complément de l’éducation à domicile faite pour et par les familles. L’Etat doit avoir des services d’hygiène dignes de notre grand pays.

Nous devons, compte tenu de la porosité de nos frontières, redoubler d’effort dans la surveillance de certaines zones d’infiltration probable. Cette surveillance vitale en temps de paix comme en temps de guerre, dispose pour l’heure de moyens dérisoires. Nous devons en faire une priorité de premier rang.

En attendant que la riposte s’organise, il nous faut sécuriser l’avenir, en anticipant pour mieux agir dans le futur. Pour l’heure, nous devons nous affoler, passons à l’action. Et l’action c’est Maintenant !

El hadji Ibrahima Sall
Ancien ministre
Parti Demain la République (PDR)

1 COMMENTAIRE
  • kheuch

    Bonne continuation Mr Sall vous montrez la voie aux autres leaders politiques merci pour cette belle contribution 5 ème Président

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