« Doit-on échanger 26 000 emplois directs et indirects de la Mtoa avec la santé des Sénégalais? », Par Baba Galé Diallo

En regardant ce soir (jeudi) le journal télévisé de 20h de la Tfm, j’ai été abasourdi par le chapeau sur la conférence de presse des travailleurs de la Mtoa avant de regarder l’élément. Une conférence de presse des travailleurs de l’industrie du tabac ça ne se voit pas tous les jours à l’écran. Suite à la promulgation du décret d’application de la loi du 14 Mars 2014 les travailleurs de la Mtoa ont décidé de sortir de leur silence habituel pour attirer l’opinion publique sur les risques encourus par le Sénégal en appliquant sa loi antitabac du 14 Mars 2014 en citant l’exemple du Tchad.

Selon M. Massemba Samb, porte-parole des travailleurs de la Mtoa, Chef de la production, quand le Tchad a appliqué sa loi antitabac, cela a entraîné les conséquences ci-après.
1. une perte importante de recettes fiscales pour l’Etat Tchadien,
2. des pertes d’emplois à travers un plan de licenciement de plus 50% du personnel en cours,
3. une augmentation de la contrebande,
4. une stagnation de la consommation du tabac qui est restée là où elle était avant l’application de la loi.

De cette situation catastrophique décrite par M. Massemba Samb chef du département de la production de la Mtoa relative au Tchad, quels enseignements devrait-on en tirer ? Ce type de discours est connu de tous les acteurs avisés de la lutte contre le tabagisme. Dans tous les pays du monde, l’industrie du tabac brandit les mêmes arguments de risques de pertes d’emplois et de recettes fiscales pour amener les états à légiférer faiblement sur le tabac. Elle sait pleinement qu’aucun gouvernement au monde ne veut être tenu responsable de pertes d’emplois et de recettes fiscales. Au fait de quoi s’agit ?

Lorsque l’industrie du tabac parle de pertes d’emplois et de recettes fiscales pour un état quelconque, elle parle globalement de l’ensemble des mesures prises pour lutter contre le tabagisme. Dans ce cas, elle ne vise aucune disposition particulière d’une loi antitabac. Car la lutte contre le tabagisme est une combinaison de plusieurs stratégies allant de l’interdiction totale de la publicité, de la promotion et du parrainage, à l’augmentation des taxes sur les produits du tabac et à l’étiquetage et au conditionnement des paquets de cigarettes etc. Cependant lorsque l’industrie du tabac parle de fraude et de contrebande, elle fait allusion directement à l’augmentation des taxes sur les produits du tabac.

Bref, selon toujours l’industrie du tabac, l’augmentation des taxes sur les produits du tabac serait le facteur causal de la fraude et de la contrebande. Ce qui a pour effet d’impacter négativement sur ses chiffres d’affaires et à créer des pertes d’emplois du fait des difficultés techniques et financières qui en résulteraient. Toutefois, des études de cas dans le monde ont montré que les mesures fiscales et financières sont parmi les plus efficaces pour lutter contre le tabagisme. L’augmentation du prix de la cigarette vise à empêcher ceux et celle qui n’ont jamais fumé de commencer à fumer, ceux et celles qui ont cessé de fumer de recommencer à fumer et ceux et celles qui fument d’abandonner la cigarette du fait du prix dissuasif.

Par ailleurs, concernant les pertes d’emplois qui résulteraient de l’application d’une forte loi antitabac dans un pays notamment au Sénégal, je voudrai rappeler que le développement de la technologie et la mécanisation de la chaîne de production constitue un démenti technique cinglant à l’argumentaire de l’industrie du tabac qui en pratique ,ne demande pas l’emploi massif de main d’œuvre. On n’est plus à l’ère de la révolution industrielle dont les types d’industries qui existaient exigeaient l’utilisation une forte main d’œuvre massive travaillant à la chaîne. Aujourd’hui, la mécanisation de l’industrie et l’automatisation des systèmes de production ont réduit fortement la présence humaine dans les industries. L’industrie du tabac ne fait pas une exception.

Cela dit, peut-on comparer ces pertes d’emplois, s’il y a pertes d’emplois aux pertes en vies humaines provoquées par le tabagisme sans compter la baisse de production dans les autres secteurs de la production économique nationale ? Il y a combien d’unités industrielles au Sénégal ? Force est de constater que l’industrie du tabac est la seule industrie qui vend des produits qui rendent malades, qui donnent des cancers et des emphysèmes, qui entraînent des difficultés érectiles chez les hommes, qui enlaidissent la femme, qui rendent le cerveau flasque, qui affectent les performances académiques des élèves et des étudiants et qui tuent.

Au total, s’agissant de la contrebande, lorsque la taxation est disproportionnée dans des pays limitrophes c’est-à-dire lorsque certains pays appliquent une taxation des produits du tabac plus élevée impactant sur le prix des cigarettes que d’autres, fatalement, cette situation peut se présenter comme une opportunité pour les contrebandiers de faire des affaires. Permettez-moi de rappeler au passage que le prix est un élément de marketing de premier ordre pour l’industrie du tabac. Sa stratégie est de rendre la cigarette financièrement plus accessible notamment aux jeunes qui constituent sa cible privilégiée. Pourquoi ? Parce que les adolescents et les jeunes nouvellement enrôlés vont constituer la cohorte, qui va remplacer celle des adultes que la cigarette aura tués sans pitié annuellement.

Ainsi, pour barrer la route à cette forme de contrebande dans la commercialisation des produits du tabac née de taxation des produits du tabac non harmonisée et protéger la santé des populations non seulement des sénégalais mais celles des ouest africains , le Consortium pour la recherche économique et sociale dirigé par le Professeur Abdoulaye Diagne avait fait un travail magnifique en initiant avec l’appui de ses partenaires un projet de directive communautaire visant l’harmonisation de la taxation des produits du tabac au niveau des pays parties membres à la Cedeao. Cette directive est en train de faire son chemin dans le circuit administratif et politique qui est le sien.

Je pense que son adoption par les Etats de la Cedeao permettrait de régler les problèmes de fraude et de contrebande qui découleraient de la diversité de la taxation des produits du tabac dans les pays limitrophes ouest africains. Les ressources humaines constituant l’axe 2 du Pse, en faisant voter la loi antitabac du 14 Mars 2016, en la promulguant et en signant le décret d’application, je crois que le Président M. Macky Sall est en phase avec sa vision pour un Sénégal émergent. Le syndrome du Tchad décrit par M. Massemba Samb Chef du département de production de la Mtoa n’en est pas un. Doit-on échanger 200 emplois directs et 24000 emplois indirects de la Mtoa avec la santé des sénégalais ? Pour les travailleurs de la Mtoa inquiets, je voudrai le dire qu’il y a d’autres empois à prendre ailleurs.

Baba Gallé Diallo / Email : bbgd70@yahoo.fr

2 COMMENTAIRES
  • El

    C’est vraiment du n’importe quoi !

  • Tiedo

    Tous les organes sont atteints par le TABAC : Cerveau Coeur Poumons Estomac Vessie ORGANES GENITAUX. …K DIEU NOUS EN EPARGNE ..LE TABAC DETRUIT

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