Dialogue entre Cheikh Anta Diop et Kocc Barma Fall, Par Khadim MBACKE-Abass

Cheikh Anta Diop : Pourquoi nos successeurs sont si désordonnés?

Kocc Barma Fall : L’égoïsme, pour la société, est comme le venin pour le corps humain. Autrement dit, il tue lentement le dynamisme d’une nation. Parce que les actes ne sont plus motivés par l’intérêt général, mais par l’intérêt partisan. À notre époque, nous étions animés par le devoir, par l’amour et par la responsabilité; mais aujourd’hui, les Sénégalais sont motivés par l’intérêt personnel, par la méchanceté et l’irresponsabilité.

Cheikh Anta Diop : Pourquoi tant de haine et violence ?

Kocc Barma Fall : Parce que les gens ne croient plus en leur capacité, ni en leur programme politique. Ils utilisent, par conséquent, le dénigrement, le harcèlement, la diffamation et le sabotage. Les discours ne sont nullement objectifs: tout ce que mon opposant dit ou fait est mauvais et contraire aux intérêts du pays, tous ses actes sont mauvais. Dans ce qu’il fait, rien n’est bon pour le pays. Et nous, les morts, nous leur regardons impuissants, puisque nous ne pouvons plus intervenir dans les affaires des vivants. Mais cela nous donne de la peine et du chagrin. En effet, les Toubabes, qui disaient que l’homme noir n’est responsable en rien ; regardent cette situation en se disant que «nous avions raison de les coloniser».

Cheikh Anta Diop : La jeunesse, qui demande qu’on lui présente des programmes politiques pouvant résoudre ses problèmes: le chômage, la pauvreté, les maladies incurables etc., qu’est-ce qu’elle doit faire ?

Kocc Barma Fall : Cheikh Anta, rappelle-toi, ce que nous a dit Habib Thiam, l’ancien Premier ministre, qui vient de nous rejoindre ici, dans l’au-delà : «aujourd’hui, la mort est préférable à la vie. En effet, dans le monde des vivants, il ne manque pas d’hommes qui désirent le Bien-être, mais que ceux qui le procurent sont rares.» Cheikh Anta, regarde, comment nos enfants meurent dans le désert ; comment ils sont enfermés dans les camps concentrationnaires des immigrés à Calais, en Sicile et en Campanie etc. Ils reflètent l’image de l’Africain tendant la main et sollicitant toujours l’aide des autres.

Cheikh Anta Diop : Alors, que faut-il faire?

Kocc Barma Fall : La jeunesse doit prendre ses responsabilités. Il y a, parmi les politiques, qui ont déjà fait leur temps, mais qui veulent toujours s’accrocher au pouvoir. Mais de toutes les façons, ils n’ont pas le choix. S’ils ne s’en vont pas par principe, ils devront le faire par intérêt; parce que la population africaine, qui se double chaque 25 ans, exigera nécessairement un changement. La jeunesse ne doit plus voter pour des raisons ethniques, ni pour des raisons religieuses. Elle doit prendre le temps et la peine de comprendre les programmes politiques et le comportement des candidats afin de voter utilement. En effet, partout dans le monde, les hommes ont évolué et ont pris leur distance par rapport aux partis politiques. Parce qu’aujourd’hui, le désir d’être rassuré économiquement l’emporte sur celui d’adhérer à une idéologie politique. Les citoyens éprouvent ainsi le besoin d’être protégés contre la pauvreté et la précarité et il va de soi qu’ils tiendront en compte de cette dimension dans le choix de leur vote. L’élection d’Emmanuel Macron et de Donald Trump en est un exemple parfait.

Cheikh Anta Diop : Merci Mame Kocc, vous aviez raison lorsque vous disiez : «un vieillard est nécessaire dans un pays ».

1 COMMENTAIRE
  • dieng

    c est tres important surtout le moment ou nous sommes

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