De la peine de mort en Islam (Par Amadou Tidiane Wone)

Face à la clameur consécutive aux meurtres multiples et inhabituels dans notre pays, il importe d’opposer la sereine fermeté des principes fondateurs de l’Islam.
Et d’abord levons une équivoque : la peine capitale qu’évoquent le Coran et la Sunna n’a rien à voir avec celle qu’ont connue des pays européens dans le passé, ou que connaissent, aujourd’hui encore, les Etats-Unis.
Rappelons aussi que la mise à mort d’un coupable de meurtre, en Islam, est l’aboutissement extrême d’une procédure aux conditions strictes, toutes inspirées par la promotion de la Miséricorde et du Pardon, vertus supérieures qui distinguent l’homme de la bête.  A ce propos le Messager d’Allah a dit : « J’ai été, certes, envoyé pour compléter et porter à un niveau supérieur les nobles caractères ».

Porter les humains au niveau le plus élevé de raffinement et de la noblesse des attitudes et des propos, telle est la quintessence de la mission prophétique.
Revenons à notre sujet, la peine de mort qui fait débat depuis la recrudescence de meurtres dont la barbarie et l’ignominie sont sans égal. Pour lever la confusion et les interprétations non motivées par des sources autorisées, prenons le temps de la réflexion dépassionnée avec comme seul objectif l’éradication, dans notre société, des bas instincts animaux qui produisent des humains pires que les bêtes.
D’après les textes des sources musulmanes eux-mêmes, pour que la peine capitale soit applicable au meurtrier il faut que les quatre conditions suivantes soient impérativement remplies  :

1) Que la famille de la victime réclame l’application de la peine capitale .

Et à cet égard le vœu sous-jacent est d’encourager le pardon et de promouvoir la noblesse face à la barbarie.
Le Coran, dit : « Celui à qui son frère aura pardonné quelque chose, alors (on lui fera) une requête convenable [le paiement du dédommagement], et (il s’en) acquittera de bonne grâce. Ceci est un allègement et une miséricorde de la part de votre Seigneur… »(Coran 2/178) le Prophète a dit : « Celui dont (un proche) a été tué, ou celui qui a été blessé, a le choix entre trois possibilités : soit il demande la loi du talion, soit il pardonne, soit il prend le dédommagement financier (diya)… » (rapporté par Abû Dâoûd, n° 4496)

2) Qu’il y ait des preuves irréfutables de la culpabilité 

En effet, une simple présomption de culpabilité ne suffit pas à conduire à l’échafaud un présumé coupable. Le flagrant délit ou la mise à jour de preuves irréfutables par des tests ADN ou autres méthodes scientifiques avérées de nos jours, diminuent la marge d’erreur. L’on ne sait combien d’erreurs judiciaires ont été commises par le passé et hantent encore les couloirs des temples de Thémis!

3) Qu’il soit prouvé qu’il y avait intention de tuer :

Le fait d’avoir établi les preuves irréfutables à propos de l’identité du meurtrier ne suffit pas. Il faut qu’il soit également prouvé qu’il avait l’intention de tuer. Le droit musulman distingue à ce sujet, sur la base de Hadîths, trois catégories principales de meurtres : le meurtre avec intention de donner la mort (al-qatl ul-‘amd), les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (al-qatl shib’h ul-‘amd), et les coups et blessures involontaires (ou administrés par erreur, suite à une méprise) ayant entraîné la mort (al-qatl ul-khata’ : khata’ fi-l-fi’l).

4) Qu’il n’y ait pas des circonstances atténuantes :

Enfin, la présence de circonstances atténuantes rend caduque l’application de la peine capitale malgré la présence des trois conditions précédentes. Ainsi en est-il du cas de légitime défense, évoqué explicitement par le Prophète (rapporté par Muslim, n° 140). De nombreux autres cas ont été pris en compte par des juristes et ont été évoqués dans les ouvrages du droit musulman, conformément au principe juridique bien connu « Al-hudûd wal-qisâs tandari’u bi-shs-shubuhât » : « Les peines et le talion sont caduques dès qu’un doute est présent ». L’accusé profite du bénéfice du doute, qui fait encore une fois que le seul recours possible est le dédommagement financier (diya).

Le Compagnon du Prophète ((PSL) Anas raconte : « عن أنس بن مالك، قال: ما رأيت النبي صلى الله عليه وسلم رفع إليه شيء فيه قصاص، إلا أمر فيه بالعفو » : « Je n’ai jamais vu le Prophète (sur lui soit la paix) avoir à traiter une affaire dans laquelle le talion était applicable, sans qu’il recommande (aux proches de choisir) le pardon » (rapporté par Abû Dâoûd, n° 4497).

Tout ce qui précède complexifie la décision de mise à mort d’un être humain. Preuve, s’il en est besoin, de l’importance qu’attache l’Islam à la protection de la vie. Bien loin des raccourcis caricaturaux qui dépeignent les pays musulmans comme des fosses communes à ciel ouvert!

L’islam n’entend donc pas appliquer de façon systématique la peine capitale au meurtrier : il ne l’envisage que sur la demande des proches de la victimes qui, ne pouvant pas se faire justice eux-mêmes, ont la latitude de la réclamer ) Même dans le cas d’une telle demande, l’islam rend nécessaire la présence de nombreuses conditions pour que cette application puisse être faite par le pouvoir exécutif. Enfin, l’islam recommande aux proches de pardonner plutôt que de demander aux tribunaux l’application de la peine : « Celui qui pardonne cela, ce sera une cause de pardon pour ses (propres) péchés » (Coran 5/45).

Quant au fond, ce qu’il faut donc retenir c’est que l’Islam est la religion de la Clémence et de la Miséricorde. Son sens profond c’est la promotion de valeurs positives qui exhaussent l’être humain des passions animales. Et même les animaux ne tuent pas pour nuire purement et simplement. La chasse animale elle-même répond à des impératifs. Une fois rassasiée la bête ne tue plus. L’Homme, être doté de cœur et de Raison, a pour mission sur terre d’incarner et d’illustrer les meilleurs sentiments à l’égard de toute la Création et d’améliorer, par son labeur et son ingéniosité, les conditions de vie de ses semblables. Hors de cette feuille de route, l’homme est en déchéance et il peut rejoindre le règne animal au point de devenir la pire des bêtes. Que Dieu nous en garde!

J’ai été particulièrement meurtri par le lâche assassinat de madame Fatoumata Mactar NDIAYE. Pour des raisons familiales . La culpabilité de son meurtrier ne semble faire l’ombre d’aucun doute. IL semblerait même qu’il soit passé aux aveux. Outre la sauvagerie de l’acte, il s’est également rendu coupable de trahison et de forfaiture. Trahison vis à vis de son employeur qui, de l’avis général, lui vouait une affection maternelle. Forfaiture à l’endroit d’une famille dont la plupart ont encore du mal à se convaincre de sa culpabilité. Dans cette famille, je compte un véritable ami, un frere Nouhou NDIAYE. C’est pour lui que j’écris ces lignes pour lui rappeler, dans ces moments d’extrême souffrance, la beauté de notre religion. Pour le peu que j’ai pu en apprendre.
Mai aussi et surtout pour lui apporter, au cœur de la clameur ambiante, mon soutien indéfectible sur la voie de la sereine compréhension de l’épreuve complexe que traverse sa famille. La mienne.
Face à l’indicible barbarie, Allah est notre seul recours et reste notre Seul Secours. Seydi Ndiaye

Wallâhu A’lam !

Amadou Tidiane WONE

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