Culture: le photographe Spencer Tunick « dénude » la Colombie

Après une nuit de shooting photo dans la capitale colombienne en juin 2016, Spencer Tunick expose le résultat à Bogota au Musée d’art moderne. Le photographe américain a réuni plus de 6 000 Colombiens volontaires pour se dénuder sur la place principale de la ville de Bolivar. Jusqu’au 20 décembre, les huit photos sélectionnées et une vidéo de l’aventure photographique sont en exposition. L’occasion pour les figurants de se retrouver.

« Oh mon dieu ! Regarde, je suis là. C’était dingue. Je ne sentais plus mes jambes à cause du froid. » « Oh non ! On ne me voit pas. Mais quand même, elles sont impressionnantes. Tu as vu celle allongée sur le trottoir. Qu’est-ce qu’on a pu avoir froid pour celle-là. » Les commentaires s’entendent à travers toute la salle d’exposition. Les figurants se prennent en photo, ou font des selfies devant les œuvres, qu’ils y soient ou non. On peut lire l’émotion sur leur visage. Comme une fierté d’avoir accompli un changement pour le pays.

Daniel a 19 ans. Il s’est lancé dans l’aventure par curiosité. A la sortie, il est surpris du résultat mais surtout de ce qu’il ressent. « Quand je regarde ces photos, je me dis que j’ai participé à quelque chose de grand. On se rend vraiment compte de la pression que l’on nous met sur l’image du corps dans la société. Avec ce shooting, on a remis les choses à leur place. Je me sens davantage en accord avec moi-même, et avec mon corps. Quand j’ai vu ces milliers de personnes se mettre nus, comme si de rien n’était, devant autant d’inconnus, cela m’a fait réfléchir. Maintenant, en voyant la photo finale, encore plus. J’en suis convaincu. »

« Il y avait une ambiance tellement grandiose ! »

Daniel raconte que, le 5 juin dernier, dans la nuit, ils se sont retrouvés à partir de 3 h du matin, dans un froid glacial pour attendre les instructions. « Ils nous ont donné un sac pour mettre l’ensemble de nos affaires et on devait se déshabiller à 5 h du matin. Puis, on a fait plusieurs poses différentes dans la place principale et dans les rues perpendiculaires jusqu’à 9 h environ. Par moment, c’était super dur, car il fallait s’asseoir ou s’allonger sur le sol congelé. Mais il y avait une ambiance tellement grandiose qu’on oubliait tout. »

En effet, plus de 6 000 personnes se sont réunies pour cet événement. Daniel explique son étonnement à son arrivée : « Je n’en croyais pas mes yeux. C’était magique. Après chaque photo, tout le monde applaudissait. On riait tous beaucoup. Je le referai sans hésiter et ce malgré le froid. »

Le public quant à lui est émerveillé par cette audace. « Punaise ! Mais ils sont tous tombés malades. Ce n’est pas possible. Incroyable. » D’autres saluent le travail et le courage des amis. « Franchement, bravo. Je n’aurais jamais osé me mettre nu devant tout ça. En plus, ça rend bien. Ça ne fait pas voyeur. »

« Le nu comme vision positive de la vie »

Avec ce shooting en Colombie, le photographe de masse américain, Spencer Tunick relevait un défi. Dans un pays déchiré par un conflit armé de 52 ans, il s’agissait de transmettre un message. Tunick déclarait lui-même : « Le corps, pour moi, représente la pureté et l’unité et une notion positive de la vie. » Il l’utilise alors comme un outil d’expression : « Faire entrer le corps dans un espace de gouvernement et de tradition vient éclairer toute la place pour moi. »

On peut donc y voir comme un encouragement pour la paix et la concrétisation des négociations avec les FARC et le groupe ELN. Tunick a fait en sorte de refléter cela à travers ses montages photographiques. « Les corps s’élèvent un peu dans l’air pour montrer une élévation des gens, des valeurs, des mentalités, vers l’égalité, la paix, l’unité. » C’est ainsi qu’il montre « une sorte de patchwork de tonalités de peau, d’ethnies, de gens de tous styles et de niveaux de vie ».

D’ailleurs durant cette séance de photos, parmi les figurants, il y avait une victime du conflit qui a été séquestrée, un ex-combattant membre de FARC, un ex-militaire, un ex-paramilitaire, et une victime de la prise en otage du palais de justice de Bogota par le M-19 en 1985. Tous les aspects du conflit armé réunis pour un événement.

Enfin, liberté photographique de Tunick et donc de sa création artistique restent un clin d’œil à la mauvaise situation de cette liberté en Colombie. Par exemple, en 2016, le pays se trouve au 134e rang mondial de la liberté de la presse, selon Reporters sans frontières Reporters. Alors, la question reste : où s’arrête la liberté d’expression pour les artistes colombiens en Colombie ?

 

1 COMMENTAIRE
  • xamal sa bop

    cey toubab gno bone dh !

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