Cheikh Abdou Mbacké, Tête de liste à Touba: Une prise de conscience citoyenne? Par Pr Moustapha SAMB

Les élections Législatives qui profilent à l’horizon le 30 Juillet 2017 suscitent de nombreux enjeux pour les différentes coalitions qui se disputent les sièges à l’Assemblée Nationale. De grandes villes comme Touba, Dakar, Thiès et autres banlieues stratégiques font l’objet de convoitises pour les différents États-majors (opposition et pouvoir) engagés dans la bataille des législatives. C’est dans ce cadre que Serigne Cheikh Mbacké Gaindé Fatma a été choisi par le Président Macky Sall, pour diriger la liste départementale dans la localité de Touba. Mission certes difficile, mais pas impossible car Touba est devenue une véritable forteresse, une chasse gardée de l’opposition depuis au moins l’alternance de 2012 qui marque le départ du Président Wade à la tête de notre pays.

C’est dans ce contexte difficile, que la candidature de Serigne Cheikh Abdou Lahat Gaindé Fatma a été agitée pour apporter une réponse à la délicate situation de Touba. Cette réflexion est intéressante à plus d’un titre, pour quiconque observe les mutations qui s’opèrent ces dernières années au sein même de la classe maraboutique. Autrement dit, c’est la consécration d’une prise de conscience citoyenne en porte à faux avec l’idée de confinement des religieux dans la sphère spirituelle, les excluant de fait des autres compartiments de l’espace public, comme si ils étaient des citoyens entièrement à part, n’ayant droit qu’à des responsabilités religieuses.

Un citoyen, fut-il fils de marabout, ayant fait de études de niveau supérieur, peut- il rester indifférent à l’avenir de son pays ? N’a-t-il pas le droit d’explorer d’autres horizons, d’autres expériences, d’interroger son génie propre pour être plus utile à son peuple ? Pourquoi l’Imam Khomeiny, opposant farouche au Chah d’Iran, très puissant à l’époque, est devenu l’Ayatollah, le guide suprême de la révolution qui a le plus marqué son temps malgré l’hostilité des Américains qui abrite la première puissance mondiale.  C’est grâce à son engagement politique qu’il a réussi une telle prouesse. Pourquoi le Roi Hussein de Jordanie, le Roi Mohammed V et son fils Hassane II, descendants du Prophète et commandeurs des croyants sont propulsés depuis des générations à la tête de leurs pays ? Le Prophète Mohamed (PSL) était à la fois le guide spirituel et l’organisateur temporel de la cité bénite de Médine.

Dans ce contexte, Serigne Abdou Lahad n’a pas le droit de refuser cette main tendue du Président de la République et de nombre de ses compatriotes, pour aller à la rencontre des citoyens. La Communication événementielle du Grand Magal de Touba est une séquence temporelle très importante dans la marche du mouridisme, puisque le Magal est une recommandation de Serigne Touba pour remercier son seigneur lors de son départ historique vers l’exil, tandis que représenter Touba à l’Assemblée est une autre paire de manche car il s’agit de défendre là où il le faut, les intérêts de la communauté. Combien de grands dignitaires religieux ont vu leurs fils créer des partis politiques ? Son père, Serigne Cheikh Gaindé Fatma était un patriote engagé qui n’est jamais resté indifférent au pouls d’évolution de son peuple. Il a eu à soutenir tous les patriotes désireux de s’investir dans la vie nationale. Des hommes comme Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Assane Seck, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade et tant d’autres ont très tôt eu le soutien moral et des fois matériel de Serigne Cheikh Mbacké Gaindé Fatma. Il ne se limitait pas aux seuls politiciens car il protégeait aussi les syndicalistes et tous ceux qui étaient brimés ou opprimés par le pouvoir de l’époque. Sur le plan social, Serigne cheikh fut un homme de cœur, il fut sa vie durant, une manne financière pour les déshérités, un défenseur infatigable des faibles que sa générosité confondait tout autant que sa discrétion. Visionnaire, Il est le premier à envoyer les fils de marabouts à travers le monde arabe en leur donnant des bourses mais aussi et surtout à l’école française dans un contexte où la classe maraboutique était réfractaire à l’école française.

Patriote ardent, incorruptible, attentif à tout ce qui est national, Serigne Cheikh incarnait à la fois l’héritage d’Ahmadou Bamba et le visage moderne de l’Islam. Le fils d’un tel homme ne peut rester sourd aux appels de ses concitoyens, à fortiori, celui du chef de l’Etat, pour défendre les couleurs de Benno Bokk Yaakaar, la coalition de la majorité au pouvoir.

En tout état de cause, de nouveaux défis se posent avec acuité à la ville sainte. En effet, Touba a aujourd’hui plus que jamais besoin d’eau potable, elle doit lutter contre l’insécurité, les inondations, Touba a grandement besoin d’assainissement et surtout d’infrastructures. La ville sainte accuse une croissance démographique exponentielle. Elle a besoin d’hôpitaux modernes, Touba doit être l’une des plus belles villes de notre pays. En dehors de la grande mosquée qui est un chef d’œuvre inédit, cette ville qui reçoit plus de trois millions de pèlerins chaque année doit être construite. En tant qu’acteur du développement et adjoint au Maire de Touba, Serigne Cheikh Abdou Lahad peut beaucoup contribuer à changer le visage de Touba. Aujourd’hui, Touba doit quitter le statut de faubourg pour devenir un véritable pôle spirituel, ultra moderne, un lieu de pèlerinage et de recueillement de dimension planétaire.

*Docteur en communication

Enseignant/Chercheur (Cesti/Ucad)

2 COMMENTAIRES
  • Anna

    merci Professeur

  • Modou Moustapha

    Bel article. Tout à fait d’accord avec votre analyse.

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