Bocar Samba Dièye :  » la Cbao me doit plus de 5 milliards « 

Placé sous mandat de dépôt et mis sous contrôle judiciaire, lundi 11 avril, par le juge du deuxième cabinet Yakham Lèye, Bocar Samba Dièye, qui a fait la pluie et le beau temps dans le secteur du riz, rencontré dans sa boutique à Grand Dakar, mercredi dernier ne semble nullement ébranlé par les poursuites judiciaires. Documents de l’Institut de Technologie Alimentaire (Ita) et du Laboratoire National d’Analyse et de Contrôle (Lnac), de la Douane… en main, il se dit habitué aux peaux de banane et avertit qu’il ne se laissera pas enterrer vivant. Les autorités judiciaires doivent, selon lui, regarder du côté de la Cbao, qui lui devrait plus de 5 milliards de Fcfa

Jambes croisées, assis devant son magasin sis à Grand Dakar, un boubou couleur moutarde, bonnet vert olive, babouches blanches, le célébrissime magnat du riz, Bocar Samba Dièye, deux petits téléphones dans la paume gauche, dans sa simplicité, ne donne pas l’air de brasser des milliards. «C’est vous ? », dit-il, en se levant pour nous accueillir. Son sourire franc dévoile une dentition espacée. Avec sa silhouette mince, encore solide sur son 1,65 mètre, il porte bien ses 82 hivernages.

A trois jours de son troisième face-à-face avec le juge d’instruction du deuxième cabinet, Yakham Lèye qui l’a inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour mise en vente de produit impropre à la consommation (du riz), Bocar Samba Dièye prépare son audition et vient de récupérer des documents de l’Institut de technologie alimentaire (Ita) et du Laboratoire national d’analyse et de contrôle (Lnac).
Dans le magasin où il nous accueille, sont superposés des dizaines de sacs de riz. On entre dans une pièce attenante qui tient lieu de chambre. Sur le sol, des chaussures du commerçant sont rangées par paires, un boubou assorti à son ensemble est accroché à la porte qui donne sur la boutique. Une housse, un lit, une banquette et une chaise en constituent les meubles.
Le journaliste Mbaye Sidy Mbaye, qui se ravitaille souvent en riz dans cette boutique profite de son passage pour lui témoigner son soutien. «Dès que je l’ai entendu, je me suis dit que ce n’est pas vrai», a dit le journaliste en notre présence. Loin de se laisser abattre, le vieil homme qui en a vu d’autres, prend exemple sur le Prophète Mouhamed (Psl), Lamine Guèye, Mamadou Dia…
Après quelques digressions sur des traditions Al Pulaar, des proverbes cités en Djola au sujet du mariage, il consent à parler de son tumultueux parcours.

Il débute en 1958 dans les rues de Sandaga

En 1958, M. Dièye vendait quelques articles dans les rues de Sandaga. Par la suite il s’est installé dans une petite cantine, au cours de la même année. De retour du Fouta, son associé lui a reproché d’avoir distribué leur argent à ses parents. Lui laissant tout, Bocar Samba Dièye s’installe à Grand-Dakar où il ouvre sa première boutique le 5 juillet 1959. Il vendait du riz, de la farine, du mil, du pain en détail, comme le font des boutiques aujourd’hui.
En 1964, avec ses économies, il a acheté une maison de 20 chambres à 400.000 Fcfa qu’il a revendue à 1.450.000 Fcfa. En ce moment, se rappelle-t-il, nostalgique de cette période, le litre d’huile coûtait 9O Fcfa, le litre de pétrole, 26 Fcfa, le kilo de riz à 25 Fcfa et le kilo de pain à 25 Fcfa. «Alors, se retrouver avec 1.450.000 Fcfa, c’était une fortune», dit-il, en riant.
Beaucoup pensent que c’est avec le commerce du riz qu’il a acquis sa fortune mais, en vérité c’est surtout grâce au bâtiment. En collaboration avec des courtiers, il a acheté des maisons qu’il a réfectionnées et revendues. En 1965, il a acquis une maison à 350.000 Fcfa alors qu’il y habitait comme locataire en payant 3500 Fcfa le mois. «C’était bien de ne plus payer le loyer. J’ai encore avec moi tous les actes de vente», dit-il, un brin de fierté dans la voix. Les banques ont commencé à lui faire confiance et l’une d’entre elles (la Biao) lui a prêté 3 millions de Fcfa, puis 10 millions de Fcfa, ensuite 100 millions de Fcfa, etc. En même temps, il continuait de vendre du riz, du mil, de la farine en détail.

«DEPUIS TOUJOURS, ON TENTE DE ME METTRE LES BATONS DANS LES ROUES»

En septembre 1985, il importe son premier bateau de mil, deux ans plus tard, celui de riz et de maïs. Les denrées provenaient de l’Argentine, du Brésil, de la France, du Canada. «Depuis toujours, on tente de me mettre les bâtons dans les roues, mais j’ai toujours tenu», soutient Bocar Samba Dièye.
La transition est toute trouvée pour aborder sa récente inculpation devant le juge du deuxième cabinet pour mise en vente de produits impropres à la consommation. Rappelant qu’on l’avait une fois accusé de vendre de l’huile de mauvaise qualité, le magnat du riz se lance dans une explication : «Il s’agit d’une cargaison de 48.000 tonnes de riz qu’un Indien a fait venir au Sénégal. J’ai acheté 20.000 tonnes et sur cette quantité, j’ai vendu 40 tonnes. A ma connaissance, personne n’est tombé malade en mangeant ce riz. Je n’ai rien à me reprocher. Pourquoi ceux qui ont vendu les 28.000 autres tonnes ne sont pas inquiétés ? Certains ont vendu 5.000, 10.000 tonnes…, moi je n’ai pu vendre que 40 tonnes».

Le rapport d’analyse du Lnac a conclu que l’échantillon est conforme à la norme

Les mains tremblantes, illettré en français, il réussit pourtant à tirer des piles de documents éparpillés sur la banquette ceux qui concernent l’Ita et le Lnac qu’il a reçus dans la matinée du jeudi 14 avril, quelques heures avant notre entretien.
Dans le rapport d’analyse du Lnac, il est noté que la marchandise est arrivée le 16 novembre 2015. En bas, à la conclusion, il est écrit : «échantillon conforme à la norme NS03-029 de juin 1956 en ce qui concerne les critères déterminés».
Le second document de l’Ita est signé par le chef de la division contrôle, le Dr Y Diallo. Il s’agit d’un contrôle de qualité fait le 13 avril 2016 sur 500 g de riz brisé. L’échantillon a été reçu le 7 avril 2016 et l’analyse phytosanitaire a été signée le 12 avril 2016. Elle conclut : «impureté 0, 1, infestation 0».
Interpellé sur l’interprétation de ces résultats, Bocar Samba Dièye hausse les épaules et déclare : «Je ne sais pas. On m’a dit que c’est bon».
Poursuivant sur les détails de l’affaire qui lui vaut son inculpation, il explique que suite à une enquête de la Brigade de Recherches de la gendarmerie de Faidherbe, il a été entendu par les hommes en bleu jeudi dernier, 7 avril. Ils lui ont demandé les factures, les déclarations de douane, les chèques, etc. Le vendredi, il a été conduit à 10 heures devant le juge, son fournisseur indien a été placé sous mandat de dépôt. Lui, a été convoqué pour le lundi et c’est ce jour qu’on l’a placé sous contrôle judiciaire après plusieurs heures d’audition. «Depuis la libéralisation dans le secteur du riz, j’ai fait venir 99 bateaux, mon assureur parle de 103, mais je préfère me référer aux documents que je tiens à ma disposition. La douane n’encaisse pas sans un document phytosanitaire. Pour cette transaction, j’ai payé 69.325.515 Fcfa à la Douane. Le riz m’a coûté 500 millions de Fcfa. Entre 1999 et 2013, j’ai fait venir au Sénégal 1350 215 529 kg de riz en provenance de la Thaïlande, du Vietnam, de l’Egypte, du Brésil, de l’Inde… ».
Pour le commerçant, la justice devrait s’intéresser aux 5,650 milliards Fcfa que lui doit la Cbao, selon ses dires. «Quand on vendait la Bst, je possédais plus de 13 000 actions. On l’a vendu sans que je ne le sache. En Assemblée générale on ne m’a pas convoqué», fulmine le vieil homme qui fait la promesse de ne pas se laisser «enterrer vivant».

L’As

1 COMMENTAIRE
  • m

    Un brave type, Dièye massamba

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